11e FÊTE DES FAUCHEURS – 30 et 31 MARS 2024 à LACAPELLE-MARIVAL

Le programme de la fête en téléchargement (pdf) ici.

CETTE FÊTE REPOSE SUR LA PARTICIPATION DE BÉNÉVOLES !
De tous les âges, dynamiques, rêveuses, rêveurs, militant-es à grande gueule, citoyen-nes plus discret-es
NOUS AVONS BESOIN DE VOUS !

Avant la fête pour mettre en place l’événement, vendredi 29 mars pour l’installation ( si possible dès 9h-10h au plus tard ) : installations des barnums – décoration extérieure et de la salle des fêtes – mise en place des barrières – signalétique…

Pendant la fête tout en profitant des animations
Samedi 30 et dimanche 31 mars dès 9h pour :
accueil du public – parkings – camping – conférences – concerts – bars (intérieur et extérieur !) – propreté toilettes – stands restauration

Lundi 1er avril, pour le joyeux démontage du lundi de pâques !

MERCI D’EN PARLER AUTOUR DE VOUS, DE FAIRE CIRCULER CETTE INFORMATION.

Pour vous engager dans cette belle aventure, obtenir plus d’informations sur les postes à pouvoir et nous informer de vos disponibilités et envies : Philippe 06 42 28 65 36 ou vo46(at)riseup.net  

Risques liés aux « nouveaux OGM » : le rapport a finalement été publié sur le site de l’Anses le 6 mars.


ECO-SIDERANT // Nouveaux OGM : le gouvernement bloque un rapport  critique

(source: Basta- 6 mars 2024)

Une publication sur les plantes issues de nouvelles techniques génomiques (NGT) bloquée sur « pression politique ».  C’est ce qu’a révélé Le Monde , le 5 mars, concernant un avis de l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail). Alors qu’un vote au Parlement européen a eu lieu le 7 février pour ouvrir la voie à ces « nouveaux OGM » en Europe, l’avis de l’Anses aurait dû être publié pour cette échéance afin d’éclairer le choix des eurodéputé·es.
 
Suite à ces révélations, l’avis a finalement été publié le 6 mars sur le site de l’Anses, avec l’ensemble du rapport. Nous avons déjà eu l’occasion à Basta! de vous parler de ces « nouveaux OGM » : les laboratoires agissent directement sur le génome pour provoquer la caractéristique qu’ils souhaitent. Le règlement en cours de négociation en Europe prévoit que ces variétés, lorsqu’elles comportent moins de 20 modifications génétiques (NGT1), soient exemptées d’étiquetage, de traçabilité et d’évaluation des risques. Ces NGT1 sont considérées par la Commission comme équivalentes aux végétaux conventionnels.
 
L’avis de l’Anses entre en opposition frontale avec la position du gouvernement français qui a voté pour la dérégulation. Selon l’agence, les critères d’équivalence choisis par la Commission, en étant « basés uniquement sur des aspects moléculaires », sont « insuffisamment justifiés ». Ses études de cas révèlent « des problèmes nutritionnels, d’allergénicité ou de toxicité ».  L’Anses plaide donc pour une évaluation des risques de ces nouvelles plantes pour la santé et l’environnement, au cas par cas. Le projet de la Commission européenne d’assouplir la réglementation, faute d’accord entre les États membres, est renvoyé à la prochaine mandature. Ouf !


L’avis de l’Anses sur les «nouveaux OGM» embarrasse le gouvernement

(source: Reporterre – 6 mars 2024)

Le gouvernement a-t-il exercé une « pression politique » pour éviter la publication d’un rapport clé, critique sur l’autorisation des NGT, les OGM de nouvelle génération ? C’est en tout cas ce qu’a affirmé une source au journal Le Monde à propos d’une expertise de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses). L’avis de l’Anses sur les NGT, issu de cette expertise, aurait été transmis au gouvernement dès le 22 janvier.

Or, ces « nouveaux OGM » se trouvent être en cours d’évaluation par l’Union européenne et ont franchi une étape clé lors d’un vote du Parlement européen favorable à un assouplissement des règles relatives aux OGM, le 7 février dernier. L’avis aurait dû être publié pour cette échéance, mais a disparu des radars… Avant d’être finalement publié hier sur le site de l’Anses avec l’ensemble du rapport, après les révélations du Monde.

Un retard opportun puisque, sur le fond, Le Monde qui a pu consulter l’avis avant publication, affirme que celui-ci entre en opposition frontale avec la position de la France à Bruxelles. Le règlement en cours de négociation en Europe prévoit en effet de déréguler largement les NGT lorsque ceux-ci comportent moins de vingt modifications génétiques.

L’Anses, à l’inverse, plaide pour une évaluation au cas par cas et juge aussi « importante » la mise en place d’un plan de suivi après chaque mise sur le marché, tant sur les impacts environnementaux que sur leurs effets socio-économiques, d’après Le Monde.

Risques environnementaux et socio-économiques

Cette expertise conduite par une vingtaine de scientifiques des organismes publics de recherche ou des universités rappelle que des « effets hors cible non désirés » persistent avec ces NGT, vantés pour leur grande précision dans la modification du génome, et recommandent de justifier dans chaque cas l’absence de risques liés à ces modifications génétiques collatérales.

Au-delà de ces effets hors cible, les experts soulignent plusieurs risques récurrents, dont « des risques liés à une modification inattendue de la composition de la plante pouvant générer des problèmes nutritionnels, d’allergénicité ou de toxicité, ou de risques environnementaux à moyen et long terme, comme le risque de flux de gènes édités vers des populations sauvages ou cultivées compatibles ».

Ils s’inquiètent également du risque de transferts de gènes entre espèces via ces technologies – par la grande variété de plantes qu’elles permettent de modifier – et des bouleversements potentiels des interactions entre espèces.

L’expertise de l’Anses interpelle enfin sur les risques de déséquilibres entre acteurs économiques qui pourraient être engendrés par l’introduction massive des NGT. En revanche, lorsque les NGT sont utilisés « pour répliquer des caractéristiques connues, en agissant sur un ou quelques gènes bien décrits, aucun nouveau risque pour la santé ou l’environnement n’est identifié », précise Le Monde. L’Anses n’a pas répondu au journal à propos des raisons des semaines de retard ayant précédées cette publication.


« Le Monde » a pu consulter l’avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail sur les nouvelles techniques génomiques. Contrairement à la position du gouvernement, il préconise une surveillance étroite des plantes concernées. 

(source : Le Monde/Stéphane Foucart – 5 mars 2024)

Qu’est devenue l’expertise de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) sur les plantes issues des nouvelles techniques génomiques (NGT) – ou « nouveaux OGM » ? Le rapport d’experts supervisé par l’agence a été finalisé, le 11 décembre 2023, et l’avis formel de l’Anses, fondé sur ce rapport, a été signé, le 22 janvier, par son directeur général, Benoît Vallet, et immédiatement transmis au gouvernement. L’Anses avait prévu de publier le rapport et l’avis au début de février – de source proche du dossier, la publication a été bloquée sur « pression politique ».

La date était importante : l’expertise de l’agence devait éclairer le choix des eurodéputés, qui ont voté, le 7 février, pour ouvrir la voie sous conditions à ces « nouveaux OGM » en Europe. En dépit de ce vote, le projet de la Commission européenne d’assouplir la réglementation est aujourd’hui encalminé faute d’accord entre les Etats membres, renvoyé à la prochaine mandature. Mardi 5 mars, l’Anses n’avait toujours rien rendu public, ne donne pas d’explication à ces atermoiements, ne fait aucun commentaire et assure que tout sera publié prochainement.

L’avis de l’Anses, que Le Monde a pu consulter, est en opposition frontale avec la position défendue sur le sujet par la France à Bruxelles ainsi qu’avec la position majoritairement exprimée par les eurodéputés Renew au Parlement européen. Celle-ci était de dispenser certaines plantes NGT, portant moins de vingt modifications génétiques et répondant à des objectifs de durabilité, d’évaluation des risques pour la santé et l’environnement, de traçabilité et d’étiquetage.

400 applications commerciales passées en revue

A l’inverse, l’Anses plaide pour une évaluation des risques pour la santé et l’environnement de ces nouvelles plantes, au cas par cas. Elle juge aussi « importante » la mise en place d’un plan de suivi après chaque mise sur le marché, tant sur les impacts environnementaux de ces « nouveaux OGM » que sur leurs effets socio-économiques.

Cet avis endosse et synthétise sur une trentaine de pages les conclusions et recommandations majeures des experts formulées dans un rapport complet, auquel Le Monde n’a pas eu accès. L’expertise a été lancée en janvier 2021,

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«90% des goûters d’enfants sont de la malbouffe ultratransformée»

(source : Reporterre/Emmanuel Clévenot – 4 mars 2024)

Une récente étude démontre un lien entre les aliments ultratransformés et un risque plus élevé, entre autres, de maladies cardiaques et de cancers. Le Dr Anthony Fardet appelle les pouvoirs publics à s’emparer de ce fléau.


Près de 10 millions d’individus suivis. Jamais une étude si vaste n’avait été menée sur le sujet. Le 28 février, dans le British Medical Journal, quinze chercheurs ont démontré le lien entre les aliments ultratransformés et trente-deux effets nocifs sur la santé. Notamment, un risque plus élevé de maladies cardiaques, de cancers, de diabète de type 2, d’anxiété, de troubles mentaux, voire de décès prématurés.

Face à ce fléau grandissant, le Dr Anthony Fardet, chercheur en alimentation préventive et durable à l’Inrae [1] de Clermont-Ferrand et auteur de Bien manger est si simple — Pourquoi tout compliquer ? (éd. Thierry Souccar, 2021), appelle les pouvoirs publics à s’en emparer sans tarder.

Reporterre — Paquets de céréales, barres protéinées, boissons gazeuses, plats préparés… Tous ces produits ont un point commun : ce sont des aliments ultratransformés. Qu’est-ce qui, dans leur fabrication, se révèle dangereux pour notre santé ?

Anthony Fardet — Tous ont été artificialisés par l’ajout d’au moins un des quatre marqueurs d’ultratransformation. À savoir : des arômes ; des additifs cosmétiques, comme les colorants ou les modificateurs de goût ; des techniques industrielles de transformation, comme le soufflage ou la cuisson-extrusion ; et enfin des lipides, des glucides, des protéines ou des fibres ultratransformés, par exemple des isolats de gluten.

Les aliments ultratransformés, bien souvent, demandent moins de mastication et réduisent donc la satiété, puis l’acte alimentaire. Le consommateur mange alors en excès, notamment du sel, du sucre et du gras ajoutés.

Sans parler des xénobiotiques ingérés, c’est-à-dire des composés étrangers au corps humain que nos organismes ne rencontraient jamais auparavant. Ce peut être des résidus de pesticides, des additifs de synthèse, voire, d’après l’hypothèse d’autres chercheurs, des résidus migrant des emballages plastiques.

Et puis, autre point central, une grande majorité de ces aliments contiennent moins de composés protecteurs, tels que les minéraux, les fibres, les vitamines, et les oligoéléments.

En revanche, on ne peut pas blâmer un composé en particulier : des milliers et des milliers de combinaisons existent entre tous les marqueurs d’ultratransformation. Pour protéger notre santé, il faut réduire la proportion de l’ensemble de ces aliments dans nos régimes, et non se contenter de cibler isolément tel ou tel produit. C’est vraiment la proportion d’aliments ultratransformés dans le régime qui compte.

D’après l’étude, au Royaume-Uni et aux États-Unis, plus de la moitié des produits consommés sont des aliments ultratransformés. Ce chiffre grimpe jusqu’à 80 % pour les jeunes et les personnes les plus démunies. Pourquoi eux ?

Il y a, chez les jeunes, davantage d’ignorance sur ces questions. Le manque d’éducation nutritionnelle est flagrant. D’autant qu’en face, les géants de l’agro-industrie exercent un marketing très élaboré, visant à présenter ces produits comme bons pour la santé.

Et je ne parle pas seulement de la malbouffe, mais aussi des aliments véganes, végétariens, allégés, enrichis, sans gluten ou bio.

Par ailleurs, l’ultratransformé est souvent synonyme de calories et de bon marché. Or, quand on n’a pas beaucoup d’argent, la première préoccupation est de se remplir le ventre sans dépenser trop d’argent. Les ménages les plus modestes s’orientent donc vers ces aliments, comme un grand nombre d’étudiants en voie de paupérisation.

suite article :

https://reporterre.net/90-des-gouters-d-enfants-sont-de-la-malbouffe-ultratransformee

PLUS INVISIBLES QUE LES PAYSANS: LES PAYSANNES « De plus en plus d’agricultrices se revendiquent de l’écoféminisme »

(source: Basta/Nolwenn Weiler – 6 mars 2024)

Les agricultrices ne veulent plus être invisibles. Certaines d’entre elles sont bien décidées à changer radicalement notre modèle de production. Elles le transforment de l’intérieur, au sein de groupes non mixtes, dans leur travail, et dans leur vie.


Des gros tracteurs et des gros bras : c’est la méthode qu’a – encore une fois – choisi le monde agricole pour se faire entendre ces dernières semaines. Mais à l’ombre de ces actions médiatiques bruisse une autre révolte agricole, qui propose un avenir plus collectif et plus joyeux. Portée par des paysannes qui revendiquent la non-mixité comme un espace de choix pour s’émanciper, cette révolte s’appuie sur une longue tradition de groupes « femmes », nés dans le secteur au sortir de la guerre.

Être libres d’apprendre

La rencontre des Travailleuses de la terre, qui s’est tenue en septembre 2022 dans une ferme près de Rennes (Ille-et-Vilaine), est l’héritière d’une histoire de non-mixité vieille de plus de 50 ans dans le monde agricole. Parmi les objectifs de cette rencontre de deux jours : la réappropriation des savoirs techniques. « Il y avait des ateliers câblage de prises, moteurs deux et quatre temps, abattage de poules… » raconte Manon Lemeux, qui prévoit de s’installer prochainement comme agricultrice. En Isère, où ont eu lieu au même moment les Rencontres paysannes féministes, on pouvait apprendre à se servir d’une tronçonneuse et d’un poste à souder. Quel est l’intérêt de ces échanges de savoirs en non-mixité ?

« On peut poser toutes les questions qu’on veut, répond Manon Lemeux. Et on est libres d’apprendre sans le regard masculin qui, même sans être malveillant, nous place toujours dans un rapport de séduction et une recherche de validation. » Faire part de ses doutes ou de son ignorance à des collègues masculins, c’est plus difficile, rapportent les femmes qui ont pu bénéficier de ces espaces d’apprentissage en non-mixité. Elles s’exposent à des moqueries inconfortables qui s’ajoutent à un présupposé de moindre compétence, lassant à force d’être répété.

« Avoir une formatrice facilite l’identification des participantes », remarque Agathe Demathieu, ingénieure en mécanique et membre de l’Atelier paysan [1]. « L’exemple, c’est fondamental. Cela montre qu’on est capable. De conduire un tracteur, de faucher, de mener une exploitation… » pense la sénatrice Marie-Pierre Monier. Ces ateliers sont aussi l’occasion de concevoir des ergonomies de machines agricoles plus adaptées, comme les postes de conduite des tracteurs, généralement peu confortables pour les femmes, qui n’arrivent pas toujours à atteindre les pédales.

« Une femme qui avait de grandes surfaces nous a fait part de ses difficultés avec son enrouleur d’irrigation [sur lequel on rembobine les tuyaux d’arrosage, ndlr], très difficile à manier, rapporte Marie-Pierre Monier. La mise au point d’outils plus petits est vraiment nécessaire pour les femmes. Cela permet aussi à de nombreux hommes d’éviter des troubles musculo-squelettiques. »

Concilier travail agricole et travail domestique

Moins initiées que les hommes au maniement des machines lors de leurs formations initiales, les femmes disposent d’un temps de formation continue assez restreint. Agathe Demathieu a ainsi calculé que plus les formations proposées par l’Atelier paysan étaient longues, moins les femmes y participaient. Elles représentaient 57 % des participants aux formats d’initiation sur deux jours, mais seulement 20 % des participants aux formations avancées qui durent cinq jours. « Pour les paysannes installées, se libérer cinq jours d’affilée pour assister à une formation semble compliqué – d’autant plus pour les femmes qui ont des enfants en bas âge », note l’ingénieure. Ce problème d’organisation ne semble pas toucher les jeunes pères.

La conciliation entre le travail domestique et le travail agricole faisait partie des thèmes de discussion des Travailleuses de la terre. Il faut dire qu’il y a là de quoi faire, tant la confusion entre les deux sphères est importante dans les fermes, au détriment des femmes le plus souvent. « Les normes de rendement des fermes se basent sur le travail domestique gratuit des femmes qui n’est jamais comptabilisé, avance Gwenen Montagnon, installée en polyculture élevage et en Gaec [Groupement agricole d’exploitation en commun, ndlr] avec son compagnon. On paye une personne alors qu’elles sont deux à travailler. C’est cela qui a permis de rendre l’alimentation pas chère. »

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https://basta.media/agriculture-et-feminisme-une-alliance-heureuse-ecofeminisme

PLUS INVISIBLES QUE LES PAYSANS: LES PAYSANNES « Je ne fais pas grand chose, la traite et la compta » : le travail invisible des paysannes

(source: Basta/Nolwenn Weiler & Sophie Chapelle – 6 mars 2024)

Accès restreint aux terres et aux prêts bancaires, revenus inférieurs à ceux des hommes, travail invisibilisé : la vie des agricultrices est toujours semée d’inégalités genrées.


Les agricultrices ont longtemps été des travailleuses invisibles, absentes des statistiques ; elles ne travaillaient pas, elles aidaient leurs maris. » Dans un rapport publié en 2017, six sénatrices faisaient le point sur « celles qui font le choix de la profession agricole [1] ». « De manière significative, le mot ’’agricultrice’’ n’est entré dans le Larousse qu’en 1961 », soulignait la co-rapporteure. « Je ne fais pas grand-chose : juste la traite et la comptabilité ! » pouvait-on entendre à cette époque dans les fermes. Sauf que ce sont précisément ces compétences-là qui permettaient – et permettent toujours – aux exploitations agricoles de fonctionner.

Depuis un demi-siècle, les agricultrices ont conquis des droits, à commencer par un véritable statut [2]. Elles représentent aujourd’hui un quart des cheffes d’exploitation, co-exploitantes ou associées contre 8 % en 1970. Derrière cette – très lente – féminisation, le métier d’agricultrice demeure particulièrement compliqué, les femmes y étant toujours confrontées à de nombreux obstacles. 

« Il est clair qu’il y a un progrès en termes de droits sociaux, note Émilie Serpossian, consultante et formatrice indépendante sur les questions de genre et d’égalité professionnelle en agriculture. Pour autant, avoir le statut de cheffe d’exploitation ne signifie pas être aux manettes ni être reconnue dans son travail. Il existe une forte persistance d’une dissymétrie des pouvoirs dans les fermes. »

« Il est où le patron ? »

« Le regard d’une femme sur les choix d’orientation du système ne va pas être pris en compte à la même mesure que celui d’un homme », précise Emilie Serpossian. Dans la profession, les hommes ne prêtent toujours pas autant de crédit aux femmes qu’à leurs homologues masculins. C’est ce que raconte une bande dessinée publiée en 2021, « Il est où le patron ? » (éditions Marabout) dans laquelle de jeunes paysannes combatives et passionnées se heurtent au machisme du milieu agricole et à des questions récurrentes comme : « Vous pensez gérer l’élevage toute seule ? », « Peut-être avez-vous un conjoint avec qui vous installer ? »

La docteure en science politique Clémentine Comer a analysé la division très genrée des tâches en milieu agricole. Dans la plupart des fermes, les hommes sont à l’extérieur tandis que les femmes se consacrent aux tâches qui s’exercent à domicile : la comptabilité et tout le travail administratif, entre autres. « C’est un travail plus morcelé, moins rattaché au domaine du productif et aussi plus individualisé, car il est réalisé dans les espaces domestiques », nous explique-t-elle.

Être installée dans une ferme « paysanne » ou bio ne protège pas contre ces divisions genrées du travail. Alexandre Guérillot, auteur d’une étude sur la place des femmes dans le secteur pour la Fédération nationale de l’agriculture biologique (Fnab), évoque l’exemple d’un couple de maraîchers, évoluant dans des espaces divers, mais beaucoup plus vastes pour l’homme. « Il gérait l’extérieur et s’occupait de toutes les machines. Le matin, quand il arrivait, il commençait par faire le tour de la parcelle tandis qu’elle se déployait sur des espaces plus restreints, du côté de la pépinière notamment », rapporte le chercheur [3]. 

Tâches invisibles et indispensables

Alexandre Guérillot ajoute que nombre de tâches dévolues aux femmes et rattachées au « soin » ne se voient pas. La gestion des saisonniers, par exemple, qui implique une importante charge mentale. Il se remémore une agricultrice qui commençait ses journées à 6h30 pour que les saisonniers puissent embaucher dans de bonnes conditions à 8h. « Elle préparait la glacière pour la collation du matin, faisait le point sur leurs heures. Puis, elle allait les chercher pour les amener aux champs. C’est aussi elle qui sonnait la pause et réglait les petits conflits. Elle ajustait en permanence son travail aux besoins de plein de gens », explique-t-il.

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https://basta.media/Plus-invisibles-que-les-paysans-les-femmes-paysannes-inegalites-droits-acces-terres-agricoles-credits-banques-revenus

PLUS INVISIBLES QUE LES PAYSANS: LES PAYSANNES « Si les agricultrices ont acquis des droits, c’est parce qu’elles se sont battues pour 

(source: Basta/Sophie Chapelle – 6 mars 2024)

Du partage des tâches au montant des aides, les inégalités de genre entachent le quotidien des agricultrices. Pour que les choses changent, les groupes en non-mixité jouent un rôle central. Entretien avec la chercheuse Clémentine Comer.

Clémentine Comer : Docteure en sciences politiques à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement-Paris-Dauphine, spécialiste de l’inégalité professionnelle en milieu agricole


Basta! : Vos travaux montrent que les agricultrices sont confrontées à une division très genrée des tâches. Comment se manifestent les inégalités socioprofessionnelles en milieu agricole ?

Clémentine Comer : Les inégalités jalonnent toute la trajectoire professionnelle des femmes en agriculture. Dans l’enseignement agricole, on ne sociabilise pas de la même manière les filles et les garçons à l’apprentissage des techniques clés de gestion des exploitations, mais aussi en matière de bricolage, de réparation, de débrouille : des pratiques qui sont structurantes dans le travail quotidien d’un agriculteur. Le défaut de formation est criant dans la conduite des engins ou matériels agricoles, que ce soit dans le cadre de leur formation ou au cours de leurs stages. De plus, les femmes rencontrent des difficultés à trouver des lieux d’apprentissage.

Par ailleurs, nombre d’entre elles n’héritent pas directement des exploitations agricoles. Elles entrent souvent dans le milieu agricole après une reconversion professionnelle. Quand elles s’installent seules, elles font face à une série de freins à la concrétisation de leurs projets, perçus comme moins crédibles par les institutions et l’encadrement professionnel : banque, organismes d’attribution des terres, conseiller technique, etc.

Une fois installées, elles sont davantage regardées et soumises au test répété de leurs compétences. Il y a également une tendance à les assigner à des domaines d’activité plus caractérisés comme féminins : la comptabilité et le travail administratif, entre autres. Dans les élevages ce sont souvent elles qui nourrissent les jeunes animaux.

« L’accès au congé maternité à égalité avec les femmes salariées a été un combat de longue haleine débuté dans les années 1970 et obtenu dans les années 2010 »

Elles vont être placées sur un ensemble de tâches éclectiques qui, aux yeux d’un professionnel, ont moins de valeur symbolique que de passer une journée sur un tracteur dans un champ. Il y a aussi une parcellisation plus forte du travail des femmes : ce sont elles qui gèrent les trajets des enfants, qui préparent les repas, permettant à ceux qui ne le font pas de passer un maximum de temps dehors, qui vont aller chercher des médicaments chez le vétérinaire… C’est un travail plus morcelé, moins rattaché au domaine du productif et aussi plus individualisé, car il est réalisé dans les espaces domestiques. Il demeure pourtant indispensable au fonctionnement de la ferme.

Le fait d’évoluer dans un milieu alternatif n’immunise pas contre ce risque de division genrée des tâches. Une enquête menée en 2018 par la Fédération nationale d’agriculture biologique révélait que 66 % des agricultrices bio en couple hétérosexuel prennent en charge la totalité ou presque du travail domestique…

Face à ce risque, ce qui va compter c’est le parcours de ces femmes : comment elles viennent à l’agriculture, avec quelle formation, quel projet derrière, quelle intention professionnelle. En raison des discriminations qui existent dans l’accès au foncier et aux outils de production, elles vont plutôt se tourner vers des systèmes assez économes en surfaces foncières et en intrants, et qui s’accommodent d’une faible mécanisation – maraîchage diversifié, plantes aromatiques… Autant de productions qui reposent sur de faibles investissements. Statistiquement, les femmes s’installent davantage en filière bio, souvent dans des activités diversifiées avec de l’accueil à la ferme par exemple. Il y a aussi une recherche de cohérence des systèmes avec l’engagement dans des filières de transformation et de commercialisation courtes.

Les inégalités de genre en agriculture tendent-elles à se réduire ?

Si l’on regarde la dotation jeune agriculteur (DJA) [une aide à la trésorerie versée aux nouvelles exploitations agricoles, ndlr] attribuée aux moins de 40 ans, on constate ces trois dernières années une diminution du nombre de femmes installées, alors qu’il y avait un renouvellement des activités agricoles via l’installation de jeunes dans la dernière décennie. C’est une tendance qui doit nous alerter. Et en même temps, les choses bougent, le travail des femmes est perçu comme plus crédible.

lien suite article :

https://basta.media/Droits-des-femmes-sans-les-groupes-non-mixtes-les-agricultrices-n-auraient-peut-etre-pas-de-statut

Au Paris-Saclay Summit, la science otage du technocapitalisme

(source: Reporterre/Vincent lucchese – 4 mars 2024)

Une science au service du marché : telle a été, en substance, la conclusion du premier Paris-Saclay Summit, qui rassemblait des acteurs de la science et de l’innovation.

La 6G est indispensable, selon la plupart des intervenants du Paris-Saclay Summit, pour répondre « durablement » aux prochains services qui pourraient être développés. – © Beata Zawrzel / NurPhoto / NurPhoto via AFP

Saclay (Essonne), reportage

« Faire briller les étoiles de la science ! » Tel était le programme plein de lyrisme du premier « Paris-Saclay Summit », organisé par le magazine Le Point, l’agglomération Paris-Saclay et la région Île-de-France les 29 février et 1er mars à l’EDF Lab Paris-Saclay, à Palaiseau. Il s’agissait de « redonner à la science la place qu’elle mérite dans le débat public », selon Valérie Pécresse, présidente de la région.

C’est tout l’inverse qui s’est produit. Suivant une stratégie déjà bien éprouvée par les lobbies industriels, ce sommet dédié à la science s’est trop souvent transformé en plaidoirie technosolutionniste, entretenant la confusion entre science et technologie et usant jusqu’à la corde l’argument d’autorité de la « science » pour promouvoir un agenda technocapitaliste.

Le programme du premier jour, où nous nous sommes aventurés, laissait déjà peu de doutes sur le ton de l’événement : parmi les conférences annoncées, on nous proposait notamment de réfléchir à la meilleure manière de développer la 6G, l’énergie nucléaire, l’avion « vert » ou l’intelligence artificielle, sans jamais questionner la pertinence du déploiement de ces technologies, dont la légitimité semblait implicitement découler du slogan du sommet : « Choisissez la science ». L’injonction politique s’est même faite encore plus manichéenne et péremptoire dans la formule « Rejoignez le parti de la science », écrite en préambule par Grégoire de Lasteyrie, président de l’agglomération Paris-Saclay.

Tech et greenwashing

Ainsi a-t-on pu entendre pendant trois quarts d’heure débattre de « Comment résoudre l’équation ? » pour rendre le trafic aérien compatible avec l’urgence climatique, en dissertant de mesures aussi anecdotiques que la consommation des avions en phase de stationnement ou le bilan carbone de la restauration dans les aéroports.

Alors que le trafic aérien pourrait doubler d’ici vingt ans, seul François Gemenne, chercheur en sciences politiques et coauteur du dernier rapport du Giec [1], a évoqué sur scène à plusieurs reprises la « question centrale de la croissance du trafic aérien ». Évacuant cet enjeu sans y répondre, les autres intervenants insistèrent plutôt sur les promesses des carburants durables, pourtant largement décriés.

La science au service du marché

Plus largement, la gymnastique sémantique de l’événement fut un intéressant témoignage de l’esprit du lieu. La finalité de la science y fut régulièrement ramenée à « l’innovation », à « la technologie » et à ses « révolutions disruptives ». Si la « recherche fondamentale, désintéressée » est nécessaire, il faut la mettre « au service de la société », a plaidé Jean-Luc Moullet, directeur général délégué à l’innovation au CNRS. Comprendre : au service du marché.

« On doit donner envie aux chercheurs de valoriser leurs résultats, plutôt que de faire une année de plus en recherche fondamentale. De les transformer en technologie utile pour créer de l’innovation et la mettre sur le marché », a-t-il proclamé. La quête de connaissance pour elle-même est aussi noble qu’essentielle mais, in fine, la science doit être « utile », entendait-on en substance sur scène.

« La science est devenue un business comme un autre »

lien pour lire la suite :

« Trois petites fermes valent mieux qu’une grande » : des paysans montrent la voie

(source : Basta/Sophie Chapelle – 22 février 2024)

Photo de une : De gauche à droite : Stéphane Rouvès, Philippe Chorier, Anne Déplaude, Pierre-André Déplaude. © Confédération paysanne de la Loire

Partager terres agricoles et bâtiments pour permettre à d’autres de s’installer, c’est le choix d’un couple de paysans dans la Loire. En 20 ans, sur leurs 70 hectares, ils sont passés de 1 à 3 fermes où huit personnes travaillent et vivent bien.

Nous sommes ici dans une ferme qui s’est démultipliée », lance Anne Déplaude, vigneronne à Tartaras, dans la Loire, devant des étudiants médusés [1]. « Il y a vingt ans, cette ferme était en lait et comptait deux associés sur 70 hectares. Aujourd’hui, sur une surface équivalente, on a désormais quatre fermes et huit personnes qui travaillent. »

Comment ont-ils réussi ce pari ? L’histoire commence en 2001. Anne arrive sur la ferme de son compagnon, Pierre-André. Il élève alors une quarantaine de vaches laitières en Gaec avec son cousin [2], et livre son lait à une laiterie détenue par Danone. « Ce qui a motivé la reconversion, c’est qu’on vendait le lait à la laiterie et que c’était elle qui fixait le prix. Notre envie, c’était de maîtriser le produit et d’aller jusqu’au produit fini », souligne Anne. Le projet mûrit tranquillement et tend vers la viticulture. À partir de 2003, de nouvelles vignes sont progressivement plantées. « Le vin permet d’optimiser la valeur ajoutée à l’hectare. On a pu faire ce changement car on avait fini d’amortir l’outil : on n’était plus pieds et poings liés avec les banques. »

Autonomie, un maître mot

« Cette autonomie financière a permis de préserver notre autonomie décisionnelle » poursuit Anne. Avec Pierre-André, ils font le choix d’un certain type de viticulture : ils décident de limiter la surface de plantations à 8 hectares, afin d’être sur une approche très qualitative avec d’anciens cépages locaux« On a aussi fait le choix d’investissements progressifs et calibrés », poursuit la vigneronne. Ils construisent ainsi un bâtiment dédié à la vinification dix ans après la plantation des vignes.

L’autonomie, maître mot dans leur parcours, est aussi technique. « On s’est beaucoup formés, on s’est aussi équipés, mais on n’a jamais été dépendants d’un conseil extérieur. » Pierre-André précise : « Dans beaucoup de fermes, c’est le vendeur de phytos [pesticides de synthèse, ndlr] qui fait le calendrier de traitements ».

« Plutôt que de tout mécaniser, on a aussi fait le choix d’employer du monde » complète Anne. Deux salariés et demi travaillent aujourd’hui avec le couple. Ils vendent entre 30 000 et 35 000 bouteilles par an, dont la moitié en vente directe. « Notre reconversion a permis de libérer du foncier qu’on a décidé de partager pour favoriser la ’’multiplication de paysan·nes’’. »C’est là que Philippe Chorier, éleveur, entre en scène.

Mutualiser pour éviter l’endettement

« En 2007, j’avais un projet de porc plein air, avec un fort souci d’autonomie », confie Philippe. Sidéré par le coût de mécanisation qu’il a pu constater dans diverses exploitations agricoles, il envisage une structure à petite échelle dans laquelle il pourra minimiser au maximum ses investissements. Il contacte les Déplaude via l’Association départementale pour le développement de l’emploi agricole et rural (Adear). « Trente hectares se libéraient dont les Déplaude n’étaient pas forcément propriétaires. Pierre-André m’a accompagné pour se porter garant et j’ai pu récupérer 17 hectares », raconte Philippe.

L’essentiel du matériel que Philippe utilise est en Cuma (coopérative d’utilisation de matériel agricole). « J’ai toujours eu des tracteurs collectifs. Pour 3000 euros de parts sociales à la Cuma, on peut avoir du matériel disponible et ça me convient très bien. » Le souci de la mutualisation pour être autonome le conduit à s’investir dans la création d’une boucherie en SARL, ainsi que dans un atelier de découpe collectif. « On partage l’outil. Ça permet de mutualiser et d’amortir les coûts sur 10 personnes. Quand on fait face à des factures d’électricité qui grimpent de 600 à 1000 euros, on répartit mieux à plusieurs. »

Au terme de quinze ans d’installation, il se réjouit : « je suis 100 % autonome sur les aliments, et en temps de travail. Mon bâtiment est payé, j’ai moins de pression. » Il y a quelques mois, Philippe a cédé à son tour 2,5 hectares à un jeune, ancien salarié des Déplaude, pour lui permettre de s’installer en viticulture. « Je suis heureux d’avoir contribué à ce qu’il puisse planter des vignes et se lancer. »

Lever le verrou de l’accès à la terre

lien suite article : https://basta.media/trois-petites-fermes-valent-mieux-qu-une-grande-des-paysans-montrent-la-voie

Prendre soin de nous dans les luttes/ silence mars 2024

Les luttes apportent joie, émancipation, espoir et solidarité et constituent un formidable remède à l’éco-anxiété, le désespoir, le déni ou à l’indifférence. Elles nous confrontent aussi au stress, aux traumatismes ou au risque d’épuisement. Défendre la terre et la justice sociale, c’est être soumis·e à une surveillance et une répression toujours plus démesurée. Face à ce constat, le soin ne peut plus passer au second plan. À travers des exemples inspirants de collectifs et d’actions, ce dossier appelle à prendre en main le soin psychologique et émotionnel collectivement et à le placer au cœur de nos luttes.

lien numéro mars 2024 : https://www.revuesilence.net/numeros/530-Prendre-soin-de-nous-dans-les-luttes/


Épuisement en milieu militant : une réalité, mais pas une fatalité

Marion Bichet

Marie-Laure Guislain a étudié les facteurs qui mènent à l’épuisement en milieu militant, qu’elle expose dans un livre et un spectacle : Désenvoûtement ou le néolibéralisme va-t-il mourir ?. Elle partage son témoignage et des pistes à explorer pour en sortir.

Quel était le contexte qui t’a amenée jusqu’au « burn-out » (1) 

J’étais responsable des enquêtes et actions en justice contre les multinationales pour l’association Sherpa. Pendant très longtemps, j’ai été seule sur ce poste alors que je suivais une dizaine d’actions contre des multinationales. Je travaillais au quotidien sur des sujets comme le génocide, le crime contre l’humanité, le crime de guerre et l’esclavage moderne. Je réalisais des enquêtes auprès des personnes touchées directement par ces crimes. Face à la violence du système néolibéral sur les plus vulnérables, j’ai dû apprendre à dissocier, me détacher de tout ça, pour ne pas sombrer dans le désespoir. En-dehors des espaces que je m’offrais moi-même en thérapie, je n’avais pas du tout d’espace d’écoute.

J’ai découvert que les policiers spécialisés dans les crimes contre l’humanité et les génocides qui travaillaient, comme moi, sur notre plainte contre la BNP pour complicité de génocide au Rwanda, avaient, eux, un suivi psychologique pour éviter le burn-out. Quand je l’ai raconté à ma hiérarchie, elle m’a ri au nez en affirmant que nous étions derrière notre écran toute la journée et a refusé un suivi. Pourtant, mon travail comportait un grand risque de développer un stress vicariant. J’ai appris grâce au collectif Oxo que ce type de stress touche particulièrement celles et ceux qui accompagnent les personnes traumatisées, victimes de violence, et qui développent, en miroir, des syndromes assez similaires. Cela concerne surtout les femmes ou personnes en minorité de genre (2). À Sherpa, il n’y en avait aucune connaissance.

« Ce n’est pas le fait de militer qui nous mène au burn-out, c’est la façon dont on milite et dont on reproduit le système capitaliste néolibéral à l’intérieur de nos collectifs. » Marie-Laure Guislain

Petite recette du burn-out dit « militant »

Quel est la « recette du burn-out dit militant » que tu partages dans ta conférence gesticulée 

• Cinq cuillères à soupe de surcharge de travail, avec des objectifs ambitieux et un manque de moyens, et du militantisme viriliste et sacrificiel.
• Un bol de stress, face à l’urgence d’agir, qui s’exacerbe avec l’urgence de protéger le vivant, et la délégation des missions de services public au secteur associatif.
• Un saladier entier de désespoir et d’impuissance devant la violence du système.
• Mélanger, mettre sous pression, laisser mijoter à feu vif et ne rien laisser sortir, surtout pas une émotion !
• Ajouter des « injonctions paradoxantes », expression du sociologue Vincent de Gaulejac. Pour moi, c’était par exemple ma hiérarchie qui me demandait d’augmenter la cadence de mes actions en justice et d’en augmenter en même temps la qualité.
• Ajouter 500 kilos de manque de reconnaissance, avec des salaires plus bas que la moyenne dans le milieu associatif, sous prétexte que l’on a de la chance d’avoir un métier qui a du sens. 
• Puis 1 000 kilos de revenus plus bas pour les femmes et les minorités de genre, pourtant majoritaires dans le secteur.
• Pour finir, mettez bien 30 000 kilos d’appropriation du travail des femmes et des minorités par la hiérarchie. Ce fut mon cas. William Bourdon, fondateur de l’association Sherpa, a été nommé avocat le plus puissant de France par le magazine QG en 2018 et 2019, en citant quatre des plaintes contre des multinationales que j’avais écrites avec d’autres femmes dont des stagiaires, encore plus invisibilisées que les autres. 
Voilà, c’est prêt !

Pourquoi « burn-out néolibéral » plutôt que « burn-out militant » ?

Un des principaux facteurs du burn-out est la reproduction du système capitaliste néolibéral néocolonial patriarcal (qu’on peut résumer en système néolibéral). Il est important de le nommer. Je suis désespérée face à certaines émissions ou articles sur le burn-out militant qui véhiculent l’idée que militer peut amener au burn-out. Au contraire, militer permet de créer du lien et de sortir de l’impuissance et du désespoir ! Ce n’est pas le fait de militer qui nous mène au burn-out, c’est la façon dont on milite et dont on reproduit le système capitaliste néolibéral à l’intérieur de nos collectifs : s’imposer une énorme productivité, être dans le perfectionnisme, la compétition au lieu de la coopération, etc.

Quels sont les symptômes du « burn-out néolibéral » ?

Les symptômes sont variés. Il y a des signes physiques : fatigue, insomnies, troubles digestifs ou musculaires, maux de tête, ou même infarctus. Ensuite, il y a des signes cognitifs : troubles de la mémoire ou de l’attention par exemple, des signes émotionnels : anxiété, tristesse, irritabilité, et même idées noires conduisant parfois au suicide. Chez certaines personnes, on observe aussi un repli sur soi, des comportements addictifs, le fait de travailler encore plus, et souvent la perte de sens. Ce dernier symptôme est particulièrement fréquent chez les militant·es, face aux incohérences de nos collectifs qui reproduisent certaines oppressions systémiques que l’on cherche par ailleurs à combattre.

Qu’est-ce que cette expérience t’a appris 

Une des choses les plus importantes dont j’ai pris conscience, c’est l’idée du « masque à oxygène dans l’avion ». En cas de dépressurisation de la cabine, il faut d’abord s’équiper soi-même d’un masque à oxygène avant d’aider les autres. Si tu n’as pas d’oxygène, si toi-même tu ne te sens pas bien, tu ne peux pas aider les autres et contribuer au monde. Pour moi, ça a été très difficile, parce qu’évidemment, je me sens privilégiée par rapport à toutes les personnes qui sont concernées plus fortement que moi par les oppressions systémiques. Cette culpabilité du privilège m’a amenéE à me négliger.

Des collectifs pour prendre soin en milieu militant


Après ce burn-out, tu as cofondé deux collectifs : Allumeuses et Métamorphoses

Allumeuses est né de la conviction que pour renforcer le mouvement social, il nous faut cultiver le soin pour sortir durablement de l’épuisement. Nous accompagnons pendant six mois des collectifs qui veulent changer de culture de travail. Ensemble, on identifie les facteurs d’épuisement et on aide à instaurer de nouvelles pratiques, pour remettre du soin à tous les niveaux. On est formé·es à plusieurs pratiques et on utilise entre autres des outils d’éducation populaire. Pour les collectifs qui n’ont pas les moyens de nous rétribuer, on propose une participation libre. Nous jouons aussi des conférences gesticulées sur le sujet, pour toucher les militant·es grâce à l’art et aux émotions, et nous animons des ateliers pour sortir de l’épuisement (ateliers de « désenvoûtement » du système néolibéral néocolonial patriarcal) et de Life Art Process(un mélange de danse, dessin et écriture) pour se donner de la puissance d’agir, en mixité choisie. Quant à Métamorphoses, c’est un petit collectif bénévole de cinq personnes, né du désir d’informer sur l’épuisement militant et la nécessité du soin dans nos luttes. Nous avons mis les gens en lien, en organisant des visio sur le sujet. Nous avons aussi aidé les militant·es à aller se former au militantisme régénératif (3), en partenariat avec UlexProjects, un organisme de formations militantes.

Comment prévenir et soigner l’épuisement dans nos collectifs ?

Le soin est politique. C’est un problème systémique auquel on doit répondre par des solutions collectives. Il ne s’agit donc pas seulement d’écouter ni de proposer du soutien psycho-émotionnel mais de remettre du soin à tous les niveaux. Par exemple, au niveau culturel, on a besoin de cultiver l’espoir qu’un changement est possible, en célébrant nos victoires (4), en notant les petits pas que l’on fait vers un changement, en partageant des récits alternatifs inspirants qui dessinent des futurs désirables. Il nous faut aussi favoriser le droit à l’erreur, la reconnaissance, et cultiver la joie militante de faire ensemble. Créer, par la danse ou l’art, est aussi une manière de prévenir l’épuisement. C’est ce que propose un des collectifs où je milite : Le Bruit qui court. Un collectif d’artivistes qui cherche à faire de la création artistique un acte de résistance. 
Au niveau structurel, on peut encourager les projets qui mettent en œuvre la coopération plutôt que la compétition. Cela pourrait se faire en sensibilisant les bailleurs de fonds pour qu’ils financent uniquement les projets qui encouragent la collaboration entre collectifs et qui proposent des garde-fous concrets contre l’épuisement. Au niveau institutionnel, il y a notamment besoin de changer le droit pour empêcher la répression des mouvements sociaux par l’État. Enfin, au niveau organisationnel, tout doit être pensé pour prendre soin du collectif et des individus qui le composent : la gestion des priorités, les rôles, la répartition des pouvoirs, la gouvernance, la prise de décision, etc. C’est ce que nous proposons avec Allumeuses.

Quel conseil donnerais-tu à des militant·es épuisé·es ?

Entourez-vous ! Parlez avec d’autres personnes qui vivent les mêmes choses. Cela vous aidera à mieux sentir que votre problème est systémique et pas uniquement individuel. Ensuite, ça peut paraître paradoxal mais j’ai envie de leur dire de continuer à s’engager, pour sentir qu’il y a des manières de contribuer au monde et sortir de l’impuissance. Pour cela, on peut rejoindre des collectifs qui donnent de la place au soin, tout en ayant conscience qu’aucun collectif n’est parfait et qu’on a le droit à l’erreur.

Pour aller plus loin : 
• Frédéric Amiel, Marie-Laure Guislain, Le Néolibéralisme va-t-il mourir ? (Et comment faire pour que ça aille plus vite.) , Les Éditions de l’Atelier, 2020
• De nombreuses ressources sont disponibles sur le site payetonburnoutmilitant.fr

Marion Bichet, réalisatrice du podcast Radical Chaudoudoux, sur le soin et les luttes.

(1) Le burn-out, ou syndrome d’épuisement professionnel ou militant, est caractérisé par une fatigue physique et psychique intense, générée par des sentiments d’impuissance et de désespoir.
(2) Comme l’explique le collectif OXO, les violences fondées sur le genre étant généralement vécues par des femmes, et les métiers de la relation d’aide et du care étant majoritairement occupés par des femmes, la réactivation de leurs propres traumas lors de l’écoute est un risque non négligeable pour ces dernières. 
(3) Aussi appelé « militantisme soutenable », l’expression « militantisme régénératif » est utilisé par des mouvements comme Extinction Rebellion ou The Ulex Project pour désigner un militantisme dans lequel les militant·es prennent soin d’eux et elles, évitant ainsi de s’épuiser comme on épuise les ressources de la Terre.
(4) Voir le dossier, l’affiche et l’exposition de Silence sur les victoires de l’écologie.

lien : https://www.revuesilence.net/numeros/530-Prendre-soin-de-nous-dans-les-luttes/epuisement-en-milieu-militant-une-realite-mais-pas-une-fatalite

merci de soutenir Silence si vous pouvez :

historique :

1982 : Naissance de la revue 
En mai 1981, la gauche arrive au pouvoir, et rapidement trahit ses promesses sur le nucléaire : elle autorise notamment la poursuite de la construction de la centrale Superphénix à Creys-Malville (Isère). En réaction, les comités Malville organisent une marche vers Paris à (…)

Réduction des pesticides : le recul du gouvernement

(source : Reporterre/Justine Guitton-Boussion – 21 février 2024)

Le plan de réduction des pesticides Écophyto a un nouvel indicateur, a annoncé le Premier ministre le 21 février. Pour les associations écologistes, il s’agit d’un « retour en arrière ».

Gabriel Attal a évacué le sujet en une phrase et quelques secondes. « Je vous annonce que l’indicateur de référence pour suivre notre objectif de réduction [des pesticides] ne sera plus le Nodu franco-français, mais bien l’indicateur européen », a déclaré le Premier ministre, le 21 février. Il tenait une conférence de presse à Matignon, pour faire le point sur les engagements du gouvernement en réponse à la colère des agriculteurs.

Si ce changement d’indicateur peut sembler anecdotique, il a en réalité fait l’effet d’une bombe parmi les ONG environnementales. « C’est un reniement total des objectifs d’Écophyto [le plan visant à réduire de 50 % l’usage des pesticides en France d’ici 2030] », s’est immédiatement indignée l’association Générations futures dans un communiqué.

« Un nouvel échec politique, sanitaire et environnemental »

Dès le 1er février, face aux manifestations d’agriculteurs dans tout le pays, le gouvernement avait déclaré mettre « en pause » le programme Écophyto jusqu’au Salon de l’agriculture (qui débute le 24 février), le temps de consulter les demandes des syndicats. L’exécutif avait ensuite argué que l’indicateur de calcul actuel, appelé le Nodu (nombre de doses unités), ne permettait pas les comparaisons avec les autres pays européens. Autrement dit, qu’il fallait le remplacer.

Le gouvernement avait annoncé envisager un référentiel européen, baptisé HRI1 (indicateur de risque harmonisé). Celui-ci pondère les quantités de pesticides utilisées par un coefficient, censé refléter leur dangerosité. Les ONGenvironnementales s’étaient opposées à ce choix — elles avaient même boycotté une réunion gouvernementale le 12 février pour protester —, estimant que le changement d’indicateur allait indiquer une réduction des pesticides complètement artificielle.

« Entre 2011 et 2021, le choix du Nodu indique une hausse de 3 % [d’utilisation des pesticides] alors que le HRI1 serait lui à la baisse de… 32 % pendant la même période ! » avaient écrit plusieurs associations dans une lettre, mais le gouvernement avait refusé qu’elles la lisent en réunion.

Faisant fi de cette levée de boucliers, Gabriel Attal a donc malgré tout acté l’abandon du Nodu le 21 février. « C’est conforme à notre volonté d’éviter toute surtransposition. C’était la demande des agriculteurs », a justifié le Premier ministre.

« Il s’agit d’un retour en arrière », a estimé de son côté Générations futures. « L’abandon de l’indicateur Nodu signe un nouvel échec politique, sanitaire et environnemental. L’agriculture est dépendante des pesticides, et plutôt que de l’aider à en sortir, le gouvernement laisse faire », a approuvé l’ONG WWF sur le réseau social X (anciennement Twitter).

lien suite article : https://reporterre.net/Reduction-des-pesticides-le-recul-du-gouvernement