CONTRE LAFARGE ET LE MONDE DU BÉTON

Plus de 150 luttes locales, organisations, sections syndicales et comités des Soulèvements de la terre appellent à 4 jours d’actions du 9 au 12 décembre.

(source : lundimatin#401 – 30 octobre 2023)

Une coalition de plus de 150 luttes locales, d’organisations nationales écologistes et sociales, de regroupements paysans, de sections syndicales et de comités locaux des Soulèvements de la terre appellent à 4 jours de mobilisations, rassemblements, occupations et blocages en décembre contre Lafarge et le monde du béton. Ces journées se situent à la date anniversaire d’une action emblématique contre une cimenterie Lafarge-Holcim à Marseille le 10 décembre dernier. Un trentaine de personnes ont fait l’objet d’une enquête menée entre autres par la Sous-Direction Anti-Terroriste (SDAT) et de gardes à vue en lien avec cette mobilisation. Ces journées d’action en décembre prochain se présentent, parmi d’autres, comme un geste de soutien face à la criminalisation du mouvement écologiste. Elles visent à montrer qu’il est possible et nécessaire de dénoncer en actes les crimes environnementaux, sociaux et néo-coloniaux de la multinationale Lafarge-Holcim. Nous publions ici leur appel à lutter et à les rejoindre (ainsi qu’un teaser).

1001 RAISONS DE DÉTESTER LAFARGE-HOLCIM

Lafarge-Holcim nous asphyxie : à Bouc-Bel-Air proche de Marseille, il brûle des pneus pour faire tourner ses fourneaux, à Cimencam (Cameroun) les cheminées ne sont pas filtrées, à Barroso (Brésil) la ville est fréquemment recouverte d’une fine couche de poussière extrêmement polluante, etc, etc… Leurs usines, partout dans le monde, tuent directement en provoquant des cancers chez les riverain.es vivant à proximité mais aussi indirectement via la pollution de l’air et les conséquences du changement climatique qu’il engendre car le processus de fabrication du ciment est un des principaux postes d’émissions de CO2 au niveau mondial (8% des émissions en 2022).

Lafarge-Holcim empoisonne les rivières : en plein cœur de Paris, il déverse ses eaux usées dans la Seine, dans l’état de New-York, leur usine cause une immense pollution de la rivière Hudson, etc, etc… Particules de ciment, liquides de traitement et autres microfibres en plastique transforment les rivières du monde entier en décharges à ciel ouvert, causant la mort des poissons et de leurs habitats.

Lafarge-Holcim détruit les sols et les fonds marins : le béton est le plus grand consommateur de sable au monde. Le sable est la deuxième ressource la plus exploitée après l’eau, et dont Lafarge est un des principaux bénéficiaires. De Saint-Colomban (44) à l’Inde, des côtes bretonnes à celles du Maroc, cette exploitation est un désastre aux multiples préjudices : pollution des nappes phréatiques, disparition de plages et d’îles entières, érosion, destruction d’écosystèmes marins comme terrestres, artificialisation de terres… 

Lafarge-Holcim coule littéralement le monde sous le béton. Il produit cette matière grise indispensable à tous les grands projets nocifs et absurdes (JO, Grand Paris, ex-aéroport de Notre-Dame-des-Landes, Bure, Stocamine…) et participe partout à la destruction des terres agricoles, zones humides et forêts ainsi qu’aux déplacements des populations qui les accompagnent. Par ses champs d’influence sur tous les grands projets publics et privés, il fait en sorte que le béton soit utilisé en tous lieux car c’est l’essence même de ses profits.

Lafarge-Holcim est une entreprise mafieuse, prédatrice et néocoloniale, profitant très souvent des services secrets des États pour étendre son empire. En France, elle est toujours mise en examen pour complicité de crimes contre l’humanité et financement du terrorisme, au vu et au su du gouvernement français. En cause, le maintien forcé de l’activité de l’usine de Jalabiya en pleine guerre civile, en payant grassement Daesh et en mettant en danger la vie de ses employé.es syrie.nes. Un épisode qui rappelle que l’entreprise avait, parmi bien d’autres, collaboré avec les nazis pour construire rien de moins que le mur de l’Atlantique.

Qui dit mieux ?

LUTTONS CONTRE LE BÉTON !

Les luttes locales qui se battent ici contre l’extension d’une carrière, là contre la pollution de l’air d’une cimenterie, ou encore là-bas contre l’extraction de sable marin sont nombreuses. De Saint-Colomban dans les Pays de la Loire à la ZAD de la Colline en Suisse, ces luttes sont de plus en plus fortes et vivantes. On voit même des coalitions émerger, à l’image de « Fin de Carrières 44 ». À ces luttes se joignent des actions qui se multiplient depuis quelques années. Par Extinction Rebellion, Youth For Climate, les Soulèvements de la terre ou des groupes autonomes et sans nom, on ne compte plus les visites inopinées dans les centrales à béton, les bloquant parfois pour une journée, parfois plus.

Le cycle de ces actions et de ces luttes locales ouvre le débat pour imaginer un monde émancipé des bétonneurs.

Mais comme ce monde marche littéralement sur la tête, cette entreprise bénéficie de toutes les faveurs des institutions. Et ce sont des militant.es qui sont actuellement poursuivi.es par l’arsenal policier et judiciaire des États. En France, c’est notamment à la Sous-Direction Anti-Terroriste (SDAT) qu’a été confiée l’enquête contre l’intrusion dans une cimenterie à Bouc-Bel-Air. 31 personnes ont été mises en garde-à-vue jusqu’à 96 heures. Deux sont actuellement mises en examen. En Suisse, les occupant.es de la ZAD de la Colline ont subi également une répression faite de surveillance, de fichage et de procès. Une personne a été emprisonnée près de 3 mois.

La but de cette criminalisation est de freiner toute critique et toute velléité d’actions contre Lafarge-Holcim ou contre toute autre entreprise du béton. Le message vise à faire peur. Heureusement, ces accusations n’ont pas mis à l’arrêt le front anti-béton. À Lyon, à Foix ou encore à Saint-Colomban, de nouvelles mobilisations collectives ont vu le jour cette année.

DU 9 AU 12 DÉCEMBRE, CONCENTRONS NOS FORCES CONTRE LAFARGE-HOLCIM ET LE MONDE DU BÉTON

Ce 10 décembre 2023, cela fera un an que 200 personnes se seront introduites dans la cimenterie de Bouc-Bel-Air, un des cinquante sites industriels les plus polluants du pays, pour la mettre à l’arrêt. Joyeux Anniversaire. Ce 10 décembre, dont les magnifiques images ont réchauffé la fin d’année 2023, est devenu une date emblématique de la lutte contre le béton. Une idée est donc apparue. Pour marquer d’un vent de résistance cet anniversaire, par solidarité envers les arrêté.es, pour affirmer qu’il est toujours possible de critiquer, en acte, Lafarge et consorts, et pour montrer la diversité et la multiplicité de celles et ceux qui se battent contre le béton : du 9 au 12 décembre, lançons les journées d’action contre Lafarge et le monde du béton !

Ces 4 jours seront l’occasion d’unir les forces des luttes locales, des organisations climat, des coalitions de paysan.nes et de travailleur.euses, des comités locaux des Soulèvements, non pas en un point, mais partout sur le territoire. Avec plus de 150 centrales à béton rien qu’en France et uniquement pour Lafarge-Holcim, il y a forcément un bétonneur près de chez vous ! Manifestation publique devant les grilles d’une usine, banderoles à l’entrée d’une carrière de sable, messages peints, intrusion en blouse blanche ou en bleu de travail, occupation des malaxeurs pour faire sécher le béton, blocage des barges pour freiner l’approvisionnement… À 10, à 100, à 1000, de nombreuses formes sont possibles, imaginables, accessibles. Leur multiplication permettra d’agir concrètement, collectivement et joyeusement contre l’empire du béton.

D’une même voix, nous voulons porter un message clair : le règne de Lafarge-Holcim et des autres conglomérats du béton n’est plus une fatalité. Leurs exactions doivent cesser pour que cesse l’intoxication de ce monde. Les gouvernements actuels doivent enfin arrêter de les couvrir. D’autres manières de construire et d’habiter le monde sont possibles.

Du 9 au 12 décembre, agissons tous.tes ensemble contre Lafarge-Holcim et le monde du béton !

Cet appel est initié par une coalition de luttes locales, d’organisations écologistes et sociales, de regroupements paysans, de sections syndicales et de comités locaux des Soulèvements de la terre. La liste complète des signataires est consultable, entre autres, sur le site des Soulèvements de la terre, ainsi que des informations pratiques sur la campagne et les manières de visibiliser les différentes initiatives.

Références :

https://www.francetvinfo.fr/monde/environnement/paris-ce-que-l-on-sait-de-la-pollution-de-la-seine-reprochee-au-cimentier-lafarge_4091271.html

https://lessoulevementsdelaterre.org/blog/lafarge-daesh-et-la-dgse-la-raison-d-etat-dans-le-chaos-syrien

https://www.francetvinfo.fr/monde/environnement/paris-ce-que-l-on-sait-de-la-pollution-de-la-seine-reprochee-au-cimentier-lafarge_4091271.html

https://lessoulevementsdelaterre.org/blog/lafarge-daesh-et-la-dgse-la-raison-d-etat-dans-le-chaos-syrien

LISTE DES PREMIERS SIGNATAIRES :

  • Attac France
  • Extinction Rebellion France
  • FSU
  • Union syndicale Solidaires
  • PEPS – Pour une Écologie Populaire et Sociale
  • Terres de Luttes
  • A Bas le Béton
  • Action Antifascite La Roche-Banlieue
  • Action Antifasciste La Rochelle et alentours
  • Action populaire en marais poitevin
  • Archipel du Vivant
  • Association Ar Vuhez : les étudiant.e.s et l’environnement
  • Attac 33
  • Attac 35
  • Attac Saint-Nazaire
  • Attac Vendée
  • Bassines Non Merci 63
  • Bassines Non Merci 79
  • Bibliothèque Fahrenheit 451
  • Biocoop l’Aubre
  • Bureau 122
  • CCAPAS (Collectif Citoyen pour un Autre Photovoltaïque des les Alpes du Sud)
  • Centres sociaux du Nord-Est italien
  • Châtellerault L’Insoumise
  • Climate Social Camp Turin
  • CNT-STAF 29
  • Colère Citoyenne 79
  • Collectif Action Climat 41
  • Collectif animalier du 06
  • Collectif Carrière Tahun
  • Collectif Contre la Ligne 18 et l’artificialisation des terres
  • Comité de soutien à Jérémy*
  • Coordination des luttes locales IDF
  • Coordination EAU Île-de-France
  • Défendre habiter
  • Ecologica Politica Network
  • Europe Ecologie Les Verts 61
  • Europe Ecologie Les Verts Bretagne
  • Extinction Rebellion Auxerre
  • Extinction Rebellion Bordeaux
  • Extinction Rebellion Boulogne-sur-Mer
  • Extinction Rebellion Chalon-sur-Saône
  • Extinction Rebellion Hautes-Alpes
  • Extinction Rebellion La Rochelle
  • Extinction Rébellion Laval
  • Extinction Rebellion Lille
  • Extinction Rebellion Nantes
  • Extinction Rébellion Paris Est
  • Extinction Rebellion Paris Nord
  • Extinction Rebellion Paris Rive Gauche
  • Fédération Sud PTT
  • Frugalité heureuse et créative
  • Frugalité heureuse et créative – Collectif AuRA
  • Gauche Ecosocialiste 34
  • Grondements des Terres
  • Groupe la Sociale de la Fédération Anarchiste de Rennes
  • L’Offensive
  • La Boisselière
  • La France Insoumise Albertville
  • La France Insoumise de Loire-Atlantique (44)
  • La France Insoumise Douarnenez
  • La France Insoumise GA Dombes Saône
  • La Lutte des Sucs
  • La tête dans le sable
  • Le Collectif de Défense des Jardins Ouvriers d’Aubervilliers
  • Le cri du bocage Soudanais
  • Le pari des mutations urbaines
  • Les Amis de la Terre Limousin
  • Les Betteraves se Rebiffent
  • Les Désobéissants
  • Les Grèbes Castagneux du 37
  • Maison du Peuple de Nantes
  • Mésanges Vertes
  • Nantes en Commun
  • NDDL Poursuivre Ensemble
  • Nous Toutes 35
  • NPA comité 61
  • OzACTES
  • Points de vue Citoyens
  • Qui Sème le Vent – Gumières
  • RAFU (Résistances Aux Fermes Usines)
  • Rébellion de la terre 53
  • Réseau Internationaliste Serhildan
  • Résistance Écologique et Sociale
  • Revue Terrestres
  • Rezé à Gauche Toute
  • Saccage2024
  • Sainté Debout
  • Solidaire étudiant-e Rennes
  • Solidaires 44
  • Solidaires 79
  • Solidaires 85
  • Solidaires Orne (61)
  • Stop Fessenheim
  • Venice Climate Camp
  • Vie Pays Environnement
  • Vigilanceogm21
  • Youth For Climate Île-de-France
  • Youth for Climate La Rochelle
  • Zaland’hors

Comités locaux des Soulèvements de la terre :

  • Comité 61 des Soulèvements
  • Comité creusois (de Guéret) des Soulèvements de la terre
  • Comité de soutien des Soulèvements de la terre 06
  • Comité des Soulèvements de l’Entre2Mers
  • Comité des Soulèvements de la terre 66
  • Comité des Soulèvements de la terre de Laon
  • Comité des Soulèvements de la terre Drôme Sud Provence
  • Comité des Soulèvements de la terre du Havre
  • Comité des Soulèvements de la terre Figeac
  • Comité des Soulèvements de Loire
  • Comité du 89 de soutien aux Soulèvements de la terre
  • Comité du pays de Vannes
  • Comité lillois des Soulèvements de la terre
  • Comité local de Grenoble
  • Comité local de Saumur
  • Comité local des luttes terrestres
  • Comité local des Soulèvements de la terre Bruxelles
  • Comité local des Soulèvements de la terre Chalon-sur-Saône
  • Comité local des Soulèvements de la terre Comminges 31
  • Comité local des Soulèvements de la terre Redon
  • Comité local des Soulèvements de la terre Saint-Etienne
  • Comité local Les Soulèvements de la terre Touraine
  • Comité local Quimperlé-Concarneau
  • Comité local SDT Villefranche-sur-Saône
  • Comité local Sud 77
  • Comité rennais des Soulèvements de la terre
  • L’Allier se soulève
  • Les Soulèvements des Volcans
  • Les Soulèvements du Forez (42)
  • Les Soulèvements du Layon
  • Plaine Tempête
  • Soulèvements de la terre Ain
  • Soulèvements de la terre Angers
  • Soulèvements de la terre Aude (11)
  • Soulèvements de la terre Chiers Semois
  • Soulèvements de la terre Cluny 71
  • Soulèvements de la terre de La Rochelle
  • Soulèvements de la terre du Tarn
  • Soulèvements de la terre Gâtine-Parthenay 79
  • Soulèvements de la terre Lys Romane
  • Soulèvements de la terre Romans sur Isère
  • Soulèvements de la terre Trièves (38)
  • Terres Vivantes en Cévennes

lien : https://lundi.am/Contre-Lafarge-et-le-monde-du-beton

Le Conseil constitutionnel reconnaît le droit des générations futures à un environnement sain

(source : Emilie Massemin/Reporterre – 27 octobre 2023)

Le droit des générations futures à vivre dans un environnement sain est reconnu par le Conseil constitutionnel. Une victoire militante, même si le stockage souterrain des déchets nucléaires a été déclaré conforme à la Constitution.

« C’est une avancée énorme », assure Marion Rivet, porte-parole du réseau Sortir du nucléaire. Les Sages ont examiné une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) posé par des militants antinucléaires et viennent de rendre leur conclusion vendredi 27 octobre.

Certes, le stockage des déchets radioactifs en couche géologique profonde est bien conforme à la Constitution, a estimé le Conseil constitutionnel. Mais cela n’a pas douché l’enthousiasme des défenseurs de l’environnement : les Sages ont, aussi, reconnu « en des termes inédits » le droit des générations futures à vivre dans un environnement sain.

suite sur Reporterre :

POLEMIQUE : Andreas Malm s’attaque à la pensée de Latour et Descola

Dans son dernier essai, le géographe suédois Andreas Malm, ardent défenseur du sabotage, critique la distinction entre nature et culture, qui n’est pas en mesure de nourrir «une haine de classe écologique».

(source : Nicolas Celnik/Reporterre -30/05/2023)

lien :

C’est un intellectuel de premier plan qui n’a pas voulu voir l’évidence en face : en 1938, Sigmund Freud est l’un des derniers à comprendre la menace de l’arrivée des nazis à Vienne. Il fallut l’exfiltrer d’Autriche au dernier moment, et plusieurs membres de sa famille payèrent le prix de son aveuglement. « L’analogie avec l’urgence climatique actuelle est évidente : quand on ne panique pas de façon appropriée, on ne peut pas prendre de mesures radicales en conséquence », écrit le géographe suédois Andreas Malm dans un essai daté de 2020 traduit cette année, Avis de tempête — Nature et culture dans un monde qui se réchauffe (La Fabrique). Il s’agit donc de faire deux choses : paniquer, et le faire bien.

Andreas Malm a été érigé, un peu trop vite, en intellectuel de référence des Soulèvements de la Terre parce qu’il développait dans Comment saboter un pipeline (La Fabrique, 2020) une théorie justifiant le recours au sabotage et l’abandon du principe de non-violence par le mouvement écologiste. S’il continue d’affirmer qu’au vu de l’urgence, « il faut saboter », il prend cette fois le temps de clarifier le rôle que doit occuper la théorie dans le mouvement climat. Et selon lui, la théorie « peut faire partie du problème » si elle ne contribue pas à rendre clairs les objectifs. Un impératif qu’il traduit ainsi : « Toute théorie adaptée à l’état de réchauffement doit avoir comme point de repère pratique […] la lutte pour la stabilisation du climat — dont la première étape nécessaire est la destruction de l’économie fossile. Une telle théorie doit dégager des marges d’action et de résistance. »

FRANCE INTER : on avait oublié la censure Macroniste la plus maladroite de l’année

75 000 signatures pour Vanhoenacker ! Notre vidéo enquête sur la censure Macroniste la plus maladroite de l’année


et aussi sur facebook Campagne Glyphosate 46

https://www.facebook.com/glypho46


En supprimant brutalement « C’est encore nous », la seule émission de France Inter se moquant régulièrement du pouvoir exécutif et de l’extrème droite, Adele Van Reeth et Sibyle Veil ont provoqué un tsunami. Des milliers d’auditeurs de France Inter sont furieux, et 75 000 d’entre eux ont signé sur Change.org une pétition réclammant le retour de Charline Vanhoenacker et de ses chroniqueurs. Ci dessous le texte de cette pétition lancée par Victor Baissait et notre vidéo enquête du 15 mai 2023. 

Chers dirigeants de Radio France et France Inter,

Nous, auditeur-ice-s fidèles de l’émission « C’est encore nous » sur France Inter, sommes profondément attristés par la nouvelle selon laquelle l’émission sera réduite à une diffusion hebdomadaire à partir de septembre 2023. Nous pensons que cela serait une grande perte pour la radio et pour ses auditeurs.

Nous sommes conscients que la décision de réduire la diffusion de l’émission ne relève pas de la responsabilité de Charline Vanhoenacker, qui a confirmé l’information dans l’émission C’est à Vous sur France 5, ce mercredi 10 mai 2023. Nous espérons que cette pétition sera une manière pour nous, auditeurs, de faire entendre notre voix et de montrer l’importance que nous attachons à cette émission.

Nous sommes également conscients que l’émission rencontre un franc succès auprès des auditeurs, avec des audiences qui se maintiennent à un niveau très élevé depuis son lancement. En effet, selon les chiffres de Médiamétrie, « C’est encore nous » rassemble quotidiennement plus de 1,2 million d’auditeurs, ce qui témoigne de l’engouement que suscite cette émission auprès du public.

Nous demandons donc respectueusement que « C’est encore nous » continue d’être diffusé du lundi au vendredi, comme c’est le cas actuellement. Nous sommes convaincus que cela serait bénéfique pour la radio, pour ses auditeurs, mais également pour l’équipe de l’émission, qui travaille avec passion et engagement pour offrir un contenu de qualité.

Nous vous remercions de votre attention à cette pétition et espérons que vous prendrez en compte nos demandes.

Cordialement,

Victor Baissait


https://www.off-investigation.fr/75-000-signatures-pour-vanhoenacker-notre-video-enquete-sur-la-censure-macroniste-la-plus-maladroite-de-lannee/

PREFECTURE BORDERLINE AU SERVICE DE QUI ? Pesticides aux abords des cours d’eau : un arrêté préfectoral du Lot retoqué

(source : Aouregan Texier /La Dépêche – 26 octobre 2023)


l’essentiel : Début octobre, le tribunal administratif de Toulouse a annulé un arrêté préfectoral du Lot encadrant l’utilisation des pesticides aux abords des points d’eau, datant de 2017. En effet, le texte a omis de nombreuses zones, dont certains ruisseaux, mares et zones de baignade. La préfecture a, désormais, 4 mois pour modifier l’arrêté. 

« Il est dommage d’attendre 2024 pour faire respecter un arrêté datant de 2017, surtout concernant le code de l’environnement », soupire Henri Hourcave, juriste au sein de l’association France Nature Environnement. Début octobre, le tribunal administratif de Toulouse a annulé un arrêté préfectoral du Lot datant d’août 2017. Ce dernier encadrait l’utilisation des pesticides aux abords des points d’eaux. 

Qu’est-il reproché à cet arrêté ? Hervé Hourcade explique : « En mai 2017, un arrêté ministériel est pris pour réglementer l’utilisation des pesticides aux abords des points d’eau. Il était laissé le soin aux préfectures de sélectionner les points d’eau nécessitant une bande tampon d’au moins 5 mètres avec les parcelles cultivées ». Le but est d’éviter de retrouver des pesticides dans les lacs, les rivières, les fossés… La distance tampon permet de limiter l’épandage de ces produits dans l’eau. Or la préfecture du Lot a gommé certains points d’eau de son arrêté. Selon le juriste, il s’agit donc d’une définition trop réductrice de l’expression « points d’eau ».

De nombreuses zones oubliées

En effet, de nombreuses zones sont manquantes dans l’arrêté préfectoral du Lot : aucune réglementation pour les zones protégées recensées dans le SDAGE (schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux) Adour-Garonne 2016-2021, en particulier les points de captage d’alimentation en eau potable et les zones de baignade, ni pour les vingt sites Natura 2000 du département. On peut citer le marais de la Fondial, la basse vallée du Célé, la moyenne vallée du Lot inférieur, ou encore les vallées de la Rauze et du Vers.

L’association France Nature Environnement s’investit pour la protection des milieux aquatiques, notamment vis-à-vis des pesticides. C’est pour cela que la branche Midi-Pyrénées s’est battue pour faire modifier ces arrêtés en saisissant la justice administrative. Au total, ce sont 8 départements de la région qui vont devoir modifier leur texte initial. Concernant le Lot, la décision a été rendue le 3 octobre par le tribunal administratif de Toulouse. Ce dernier a estimé que l’arrêté était « non conforme ». Une bonne nouvelle pour l’association FNE Midi-Pyrénées. Le Lot a, désormais, 4 mois pour modifier l’arrêté. Soit début février 2024. Comment cela va se passer ? « Les services concernés vont rédiger un projet qui va être mis en consultation publique sur le site internet de la préfecture. Pendant 4 semaines, ils vont recueillir les informations du public. Nous, évidemment, on va être attentif à ce que la définition de point d’eau soit strictement conforme et que rien ne soit oublié », poursuit Hervé Hourcade. 

De son côté, la préfecture affirme que « les arrêtés étaient de valeur inégale selon les départements. Beaucoup ont été cassés par les TA. Depuis 2017, un travail de fond a été mené en préfecture, en lien avec tous les acteurs concernés dans chaque département afin d’identifier tous les points d’eaux. Sur cette base, un nouvel arrêté préfectoral sera pris prochainement dans le Lot ». 

Au moins une molécule phytosanitaire dans 96% des stations du Lot

Le danger de ne pas avoir de zone de tampon entre un point d’eau et une parcelle agricole utilisant des pesticides ? La pollution des cours d’eau, déjà bien contaminés. L’agence de l’eau Adour-Garonne a recensé la présence de phytosanitaires sur le bassin entre 2015 et 2020. Dans le Lot, dans 96% des stations, au moins une molécule a été détectée.

La carte de la contamination phytosanitaire entre 2015 et 2020.
La carte de la contamination phytosanitaire entre 2015 et 2020. Source : l’agence de l’eau Adour-Garonne

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lien : https://12ft.io/proxy?q=https%3A%2F%2Fwww.ladepeche.fr%2F2023%2F10%2F26%2Fdes-points-deaux-gommes-de-la-zone-sans-pesticide-dans-un-arrete-prefectoral-du-lot-en-2017-11541447.php

Comment le capitalisme a tué nos campagnes

(source : Rob Grams /frustration magazine – 26 octobre 2023)

lien : https://www.frustrationmagazine.fr/capitalisme-campagnes/

En mars dernier, à partir d’un ouvrage de Patrick Chastenet, nous évoquions plusieurs penseurs de l’écologie anarchiste. Parmi eux, le bordelais Bernard Charbonneau, dont l’un de ses principaux ouvrages Tristes Campagnes, initialement publié en 1973, est réédité par L’Echappée. C’est que son sujet – la destruction des campagnes – est, malheureusement, plus que jamais d’actualité… Tristes Campagnes évoque la manière dont des cultures populaires, locales (patois, architecture, métiers…) ont été annihilées, les fermes familiales en polyculture et la paysannerie abandonnées…

Bernard Charbonneau, extrêmement attaché au Béarn et au Pays basque, n’était pas qu’un auteur mais aussi un militant actif : cofondateur en 1973 du comité de défense Soussouéou-Osso qui s’opposait à la construction d’une station de ski, créateur du Comité de défense de la côte aquitaine qui tentait de contrer l’aménagement touristique et industriel du Sud-Ouest… Retour sur sa pensée éclairante sur la manière dont le capitalisme et la société marchande détruisent la campagne.

Le paradoxe du tourisme

A partir des années 1960, le tourisme devient une industrie planifiée. Très concrètement cela signifie que le territoire « se transforme en matière première et en marchandise ».  La campagne en ressort modifiée pour permettre « des loisirs dans la nature » Bernard Charbonneau évoque longuement le pays basque, soulignant que « l’originalité des basques a été de maintenir, en plein âge industriel et urbain, une campagne toute vive ». Mais il note ce paradoxe que le pays basque survit grâce aux touristes qui fossilisent un folklore d’invention relativement récente : « au Pays Basque succède le mythe basque des parisiens », posant cette question : « le tourisme peut-il aider à sauver la tradition qu’il détruit ? ». Dans le cas basque, le tourisme a effectivement permis le maintien de mœurs, de jeux, d’habitats… mais il a surtout détruit la côte par une invasion de villas, d‘hôtels, de garages, de stations services…

Il interroge la notion de « folklore », qui « se caractérise par la langue ou les outils, les proverbes ou les danses, d’autrefois : d’une façon générale l’objet ou la coutume hors d’usage », constatant que celui ci n’est valorisé, préservé, qu’une fois qu’il est inutilisable. De cette façon, il sert souvent d’alibi à la dévastation réelle des pays.
Cette transformation de la campagne au profit des villes modifie même les comportements qui sont généralement associés à la première : le chasseur, par exemple, change de profil. « Le vieux paysan qui économisait ses cartouches pour tuer un canard est remplacé par le banlieusard au fusil à répétition qui tire sur tout ce qui bouge ».

La transformation de la campagne en banlieue

Le capitalisme industriel ou tertiaire repose sur l’urbanisation. La campagne, même quand elle reste campagne, en subit les effets. « La grande nouveauté de l’après-guerre c’est l’intégration de la campagne dans l’ensemble industriel et urbain, avec pour effet sa transformation en banlieue ». C’est ce qui explique, pour Bernard Charbonneau, une homogénéisation de nos paysages : carrières, lotissements, zones industrielles, défrichements, monocultures…qui participent tous à créer un certain type d’environnement : « le terrain vague ».

Cela n’a d’ailleurs pas seulement détruit la campagne « mais aussi les bourgs et les villes qui lui étaient associées ».

De la paysannerie à l’agro-industrie

Ce qui a été présenté comme des « progrès techniques » dans l’agriculture sont en réalité des mutations sociales dont les effets humains n’ont pas été considérés. En développant le maïs hybride, on a ruiné l’exploitation familiale. On a aussi détruit la variété du travail et la liberté du paysan.

Ces changements ne sont pas l’effet de la « main invisible du marché » mais de politiques conscientes : « Du paysan, la subvention pour les défrichements passe aussitôt à l’entrepreneur qui loue les machines, et de celui-ci à l’industriel qui les fabrique. L’argent versé à l’agriculture l’est en réalité à la chimie; les prêts accordés à l’élevage industriel le sont à Sanders, pour finir à Saint-Gobain. Ce sont les trusts qui possèdent le monopole d’une campagne où régnait autrefois la petite propriété ». « Au nom de la rentabilité, on détruit l’exploitation familiale de polyculture établie ici depuis des siècles pour la remplacer par la grande entreprise travaillant pour le marché européen ou mondial ». Il casse l’idée qu’il s’agirait de politiques inévitables, nécessaires… S’il s’agissait de nécessités, il n’y aurait pas besoin d’activement subventionner ces changements profonds. Pour Charbonneau, la destruction de la polyculture familiale est une politique de classe qui ne se fait pas seulement pour des raisons économiques : la campagne était un des secteurs qui échappait encore à la grande industrie, il fallait donc l’aider à y étendre son contrôle. 

La paysannerie catholique a été trahie par ses notables (…) car la bourgeoisie de province reste fidèle à son vieil idéal : le fric”BERNARD CHARBONNEAU – TRISTES CAMPAGNES (1973, RÉÉD.2023)

Encore aujourd’hui, les aides européennes PAC, qui contribuent à une grande partie des revenus des agriculteurs, sont liées à la superficie des terres cultivées : les grandes exploitations sont privilégiées sur les petites, et l’agriculture intensive sur la polyculture.

Face à ces mutations forcées, Bernard Charbonneau note l’absence de résistance de la bourgeoisie catholique : « la paysannerie catholique a été trahie par ses notables (…) car la bourgeoisie de province reste fidèle à son vieil idéal : le fric ».

Détruire la nature tout en prétendant la protéger

La nature n’a jamais été autant attaquée et les gouvernements n’ont jamais autant parlé de « la protéger ». Ce paradoxe n’échappe pas à Bernard Charbonneau : « curieuse protection de « l’environnement » ainsi prise en charge par la caste dirigeante du système qui la pille », « la nature est aujourd’hui protégée par ses assassins ».
Évidemment la question de la « protection » se pose généralement une fois que le mal est fait…
On va protéger un site parce que c’est l’ensemble du pays qui est en danger.
On retrouve le paradoxe du tourisme : protéger la nature c’est l’aménager, « lui faire de la publicité et l’équiper pour la vendre ». Elle devient alors un produit, une marchandise et cesse d’être réellement la nature.

L’exemple le plus parlant est celui du « parc naturel ». On cherche à attirer des foules, on multiplie donc les accès, on le morcèle de routes. On met des panneaux pour en apprendre plus sur les fleurs et les fruits tout en interdisant qu’on les cueille. On met des tas de refuges et d’aires de pique afin d’interdire le camping ailleurs. Bref « on rassemble les masses privées de nature devant une belle vitrine bien close » et par là même on le prive aussi à ses véritables habitants. Cette contradiction, le choix entre ouvrir la nature aux hommes et la laisser détruire, ou bien la fermer et geler le paysage en interdisant d’y entrer, ne va faire que s’accroître avec l’expansion perpétuelle : l’espace naturel se réduit parallèlement à la croissance démographique et économique. Là aussi le parc sert d’alibi dans un projet plus global : « « la zone périphérique » du parc, jetée en pâture aux promoteurs, fait excuser la scandaleuse exception qu’il représente, et de son côté, le parc justifie la destruction de la nature partout ailleurs ». Pour Guy Debord dans la société marchande, l’économie et la politique sont des « sphères séparées » de la vie. Avec Charbonneau on se rend compte que c’est aussi le cas de la nature, qui elle aussi devient spectacle : « la faiblesse du parc national c’est d’être un parc : un espace restreint, clôturé et gardé, la coûteuse exception qui justifie la règle industrielle ». L’inconcevable du parc est d’ailleurs d’y vivre, d’y avoir sa maison, c’est un espace sans habitants, fait pour des passants, bref des touristes. C’est en somme l’antithèse de la campagne, qu’on habite et qu’on cultive.

La nature est aujourd’hui protégée par ses assassins”BERNARD CHARBONNEAU – TRISTES CAMPAGNES (1973, RÉÉD.2023)

L’idée du système industriel est de sauver la nature en en faisant un investissement rentable, c’est-à-dire sa transformation en marchandises. C’est donc la porte ouverte à toutes les dérives actuelles : « l’air que nous respirons est-il rentable ?” demande-t’il avant l’invention du marché des droits à polluer.  “La nature c’est le bien à la fois nécessaire et gratuit, quand elle devient marchandise, par cela même elle cesse d’être ». 
Pour protéger la nature il faudrait remettre en question le principe même de la société marchande : la croissance exponentielle.

La cause du mal : le capitalisme et la société marchande

Dans la société capitaliste, l’activité économique est une fin en soi. Cela signifie que « nos moyens tendent à devenir fins en soi. Et du coup la fin – l’homme – devient moyen ».

Pour vivre, une collectivité humaine doit produire. Toutefois on ne vit pas pour produire. C’est un des penchants morbides du capitalisme. Ce productivisme, qui est confondu avec le progrès, est si fort qu’il n’est pas propre au capitalisme et que les tentatives de systèmes alternatifs (l’URSS en tête) l’ont également repris.

Nos moyens tendent à devenir fins en soi. Et du coup la fin – l’homme – devient moyen ”BERNARD CHARBONNEAU – TRISTES CAMPAGNES (1973, RÉÉD.2023)

La quête de rentabilité et d’optimisation a ruiné la qualité de vie à la campagne. Là où il y avait un maître pour 12 élèves, on ferme désormais les écoles rurales faisant perdre aux écoliers des heures et des heures dans les transports.

Expansion perpétuelle, urbanisation et métropolisation à marche forcée, croissance démographique et économique, marchandisation de tous les aspects de la vie, progrès de l’agro-industrie et soumissions à la fausse nécessité technologique…c’est bien le capitalisme qui est responsable du sort de nos campagnes.

Le progrès ? Quel progrès ?

Au fond, c’est la notion même de progrès, bien souvent limitée au « progrès matériel », que Bernard Charbonneau invite à questionner. Bien sûr notre confort a augmenté (pour combien de temps ?), nous avons la sécurité sociale, nous vivons plus longtemps… Mais nous avons aussi des habitats laids, la bombe atomique, la police partout. Dans le cas des campagnes, l’auteur n’hésite pas à évoquer un « ethnocide » c’est-à-dire la destruction de l’identité culturelle d’un groupe, dissimulé derrière le progrès technique. 
Si notre durée et niveau de vie se sont élevées, est-ce que nos vies sont plus « pleines » ? Sommes-nous plus heureuses et heureux ?

Bernard Charbonneau s’intéresse par exemple à la nourriture en soulignant l’impuissance de l’industrie agricole à produire « des nourritures dignes de ce nom ». Il donne l’exemple du jambon du Béarn, réputé pour sa qualité et d’abord « produit social » qui participait aux modestes ressources du paysan des Pyrénées. Par soucis de rentabilisation, en 1970, les subventions aux entreprises ont été accordées prioritairement à celles qui pratiquaient l’élevage industriel de porc. Il prédit alors qu’il arrivera au jambon ce qui est arrivé au vin « à côté du produit courant, il y aura celui du cru », d’un côté la porcherie de luxe pour quelques privilégiés et touristes, de l’autre le porc industriel.

Comment résister ? Que faire ?

Protéger la nature, et donc nous protéger nous-même, est, pour Charbonneau, davantage qu’un slogan. C’est une démarche qui met en cause en profondeur l’orientation de notre société. Ce renversement n’est pas à attendre « de la caste dirigeante, mais d’en bas : des tréfonds de la révolte humaine, de la souffrance des individus privés d’air et de liberté ». Il s’agirait donc de bâtir une autre économie, qui sacrifie de la rentabilité pour préserver la nature, appuyée sur d’autres techniques et une autre science « rétablies dans leur fonction de connaissance des moyens et des conditions », alors « au lieu de déterminer la forme de l’homme et de la société, elles pourront les servir ». On compenserait le départ des paysans en faisant venir des jeunes qui cherchent une autre vie, ce qui consisterait une situation inédite d’une société paysanne, non plus fondée sur l’héritage et l’habitude mais « sur une communauté de conscience et de goûts ». On maintiendrait et rénoverait l’exploitation familiale de polyculture – ce qui ne signifie pas que toute modernisation de l’agriculture soit mauvaise, mais que le moyen économique ne doit pas absolument commander. Concrètement, cela voudrait aussi dire un prix élevé pour des produits plus savoureux. Pour rendre le tourisme plus sain, on pourrait donner un droit d’usage aux habitants du pays : « pour éviter l’invasion des autos, ils auraient seuls le privilège d’en user comme d’autres machines », les touristes ayant eux à disposition un « bon réseau de transports publics », le vélo ou la marche.

Bernard Charbonneau invite aussi à sortir d’un jacobinisme (idéologie politique centralisatrice qui promeut un fort contrôle gouvernemental et une uniformité nationale) un peu grossier et célèbre les cultures face à l’uniformisation du monde : « rien n’est plus universel que l’originalité et l’autonomie locales : en étant elle-même, la plus petite des patries témoigne contre un monde pour un autre (…) Un pays de plus est une chance de plus pour l’humanité ».

Rien n’est plus universel que l’originalité et l’autonomie locales : en étant elle-même, la plus petite des patries témoigne contre un monde pour un autre (…) Un pays de plus est une chance de plus pour l’humanité ”BERNARD CHARBONNEAU – TRISTES CAMPAGNES (1973, RÉÉD.2023)

Mais alors comment changer la donne ? Dans un chapitre intitulé de manière équivoque « pour une guerre d’indépendance du Béarn », l’auteur donne un certain nombre de pistes, légales ou illégales, avec différents niveaux de radicalité (indiquant même les peines encourues pour chaque). Il propose par exemple d’opérer des détournements des panneaux publicitaires, en y ajoutant des bulles qui leur donneraient leur vrai sens. Mais plus fondamentalement il incite à s’en prendre directement aux responsables : « je ne vois pas pourquoi on ne polluerait pas la face désinfectée à l’after-shave des pollueurs en leur crachant cette haine à la figure (…) Lorsque le PDG des papeteries irait pêcher le saumon dans le dernier gave, il saurait qu’il est imprudent de laisser sa Mercedes dans la nature, et quand il irait tirer la palombe dans le bled, qu’il vaux mieux se faire escorter de gorilles armés ». Il tente toutefois de se distinguer d’un « terrorisme vulgaire qui s’attaque volontiers à des sous-fifres ou à des innocents », là il faudrait cibler les vrais coupables. Si cette incitation à l’action directe peut avoir quelque chose de cathartique, il faut aussi reconnaître qu’elle fait penser à un fantasme vengeur un peu adolescent qui n’en fait pas la partie la plus convaincante de l’ouvrage. Elle pose aussi la question morale d’intellectuels suggérant à d’autres de commettre des actes extrêmement dangereux et violents qu’eux-même n’ont pas pris en charge…

Tristes Campagnes est paru en 1973. Cinquante ans plus tard, nos campagnes sont toujours tristes car les causes n’ont pas changé : le capitalisme s’étend et les détruit. Bernard Charbonneau donne l’exemple d’une critique non-réactionnaire du « progrès » et de défense de la ruralité qui semble plus nécessaire que jamais.

DU SOLAIRE MORTIFERE : « Agrivoltaïsme : la course folle des géants de l’énergie »

(source : Grégoire Souchay / Reporterre – 27 octobre 2023)

Un troupeau de moutons paissant près de panneaux solaires dans un champ près de Verneuil (Nièvre), en octobre 2022. – © AFP / Jeff Pachoud

Pressés d’atteindre rapidement les objectifs de production renouvelable, les promoteurs imaginent toujours plus de mégaprojets. Une course qui pourrait rapidement condamner la jeune filière.

• Vous lisez la dernière partie de notre enquête consacrée à l’agrivoltaïsme. La partie 1 est ici, la partie 2 ici.

« Pour faire deux fois plus sur le solaire, il va falloir qu’on s’y mette tous ! Et pas seulement du foncier dégradé, mais aussi associer le monde agricole, industriel et économique. » Patrick Pouyanné est enthousiaste. Fin septembre, le PDG de TotalÉnergies rappelait que son groupe vise désormais le « top five » des producteurs d’électricité renouvelable au monde. Le patron de la multinationale pétrolière n’est pas le seul à vouloir profiter de l’engouement pour le photovoltaïque.

Pas un énergéticien n’échappe à la ruée actuelle vers l’installation de panneaux solaires sur des terres cultivées, avec des projets d’une échelle jamais pratiquée jusque-là. Dans tous les salons agricoles fleurissent les stands, les maquettes et les promos des énergéticiens promettant cette « synergie » version XXL avec l’agriculture. En moyenne, les projets à l’étude font entre 10 et 30 hectares, déjà dix fois plus que les projets expérimentaux.

Dans cette moyenne se trouve par exemple le groupe VSBÉnergies nouvelles. « On cherche des surfaces de 15-20 hectares minimum, c’est la taille critique pour avoir une rentabilité suffisante au regard des distances et des coûts de raccordement », précise Adrien Appéré, directeur du développement de VSB.

suite lien :

Panneaux solaires dans les champs : la fronde des paysans

(source Grégoire Souchay & Benoit Collet/Reporterre – 25 octobre 2023)

Culture d’asperges sous une serre agrivoltaïque en Provence-Alpes-Côte d’Azur. – © Anouk Anglade / Reporterre

La multiplication des projets «agrivoltaïques» en France suscite une inquiétude croissante. Des agriculteurs et militants refusent que l’on détourne les terres agricoles pour de l’électricité.

« Bientôt, on n’aura plus d’agriculteurs mais des gardiens de parcs photovoltaïques qui enlèveront les mauvaises herbes… » À Mouterre-sur-Blourde, dans les vallons calmes de « la petite Suisse » du sud de la Vienne, la mise en vente d’une ferme de 500 brebis a vite suscité l’appétit des entreprises photovoltaïques, qui démarchent industriels et agriculteurs pour installer des panneaux solaires.

Alertée par un voisin éleveur, Isabelle Moquet, retraitée membre de la toute jeune association Les Prés survoltés a commencé à se renseigner sur ces projets dits « agrivoltaïques »« Qu’on pose des panneaux sur un hangar, dans une ancienne carrière ou des parkings, très bien. Mais il n’y a aucune urgence à en mettre dans les champs », dit-elle. C’est pourtant bien vers les terres agricoles que se tournent la plupart des énergéticiens.

La rentabilité des projets sur les toitures des particuliers leur apparaît trop faible, et ils jugent trop lourdes les contraintes réglementaires sur les zones artificialisées, souvent polluées ou à l’inverse riches d’une nouvelle biodiversité protégée. Contrairement aux anciennes carrières ou aux friches industrielles, le foncier agricole représente aussi un immense stock de surfaces planes et sans obstacles, une topographie propice au développement de projets sur des dizaines d’hectares, plus rentables.

suite sur le lien Reporterre ci-dessous :

Travail saisonnier : « Nos vies valent plus que quelques grappes de raisin »

(source : Basta/Collectif – 24 octobre 2023)

« Combien de temps faudra-t-il pour que les institutions protègent celles et ceux qui font vivre l’agriculture française ? » interroge un collectif de saisonnier·es agricoles dans cette tribune, après la mort de travailleurs durant les vendanges.


https://basta.media/travail-saisonnier-mort-vendangeurs-nos-vies-valent-plus-que-quelques-grappes-de-raisin


Six saisonniers – quatre en Champagne et deux en Beaujolais – sont décédés en septembre, lors des quinze premiers jours de vendanges dans l’Est de la France. Âgés de 19 à 60 ans, il ont tous été victimes d’arrêts cardiaques dans le contexte d’une canicule sans précédent, qui semble en avoir été le facteur principal.

Extraits d’articles de presse concernant les décès de vendangeurs Publications en ligne, septembre 2023

Ce drame n’est malheureusement pas le premier, et ne sera pas le dernier vu les conditions de vie au travail et hors-travail des saisonnier·ères agricoles. Chaque année, des ouvriers souffrent et meurent dans l’indifférence ou l’invisibilisation générale.

Pourtant ces travailleurs méritent comme tout un chacun de travailler dans des conditions dignes et en sécurité. Ils sont indispensables au fonctionnement de l’agriculture et à ses rendements qui lui procurent la place de deuxième secteur excédentaire français.

Comment dans un secteur comme la viticulture peut-on faire face à un constat si macabre ? Combien de temps faudra-t-il pour que les institutions protègent celles et ceux qui font vivre l’agriculture française ? La vie des saisonniers mérite d’être préservée !

Des dérogations contraires au Code rural

Face à la situation et à la réponse du Syndicat général de vignerons (SGV) [1] relayée par les médias, nous prenons la parole, pour témoigner et alerter des dangers qui menacent la vie des saisonnier·es au travail. Si les saisonnier·es avaient autant d’influence sur l’organisation des vendanges que le suggère le SGV, ils et elles auraient probablement déjà obtenu de meilleures conditions de vie, de logement, de travail et de rémunération.

Des travailleurs indispensables au fonctionnement de l’agriculture

En réalité, la précarité des saisonniers liée à leurs statuts (contrats temporaires, travailleurs détachés), à leurs conditions d’hébergement (hébergement en plein air et non sécurisé, sans logement fixe, logement éloigné du lieu de résidence habituel, logement dépendant de l’employeur) et de vie (barrière de la langue, difficulté d’accéder au système médical et juridique français, etc.) ne permet pas de revendiquer quoi que ce soit sans risquer gros (une mise à pied, un licenciement, une perte de logement).

Le milieu agricole dispose de flexibilités pour garantir la productivité et limiter les pertes, par exemple en augmentant le temps de travail hebdomadaire autorisé dans le Code du travail (de 48 heures à 60 heures par semaine, voir 72 heures en Champagne), journées de travail supérieures à 10 heures, augmentation du nombre de jours de travail successifs et réduction du temps de repos.

Dans certaines régions, les employeurs agricoles vont jusqu’à obtenir des dérogations pour louer ou fournir des logements ne répondant pas aux normes du Code rural (dortoir pour 10 personnes, logement sans eau, camping sans ombre, etc.). Parfois encore, les accès aux terrains communaux sont interdits, ce qui entraîne le développement de campements de fortune qui mettent les saisonnier·es en situation de risques.


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Les risques liés à la chaleur ne peuvent plus être ignorés

De l’autre côté, pour les saisonniers, aucune dérogation ou mesure protectrice (arrêté préfectoral par exemple) n’impose un arrêt du travail pendant les heures les plus chaudes. Une mesure protectrice globale viendrait protéger la santé, le travail et l’emploi, sans entraîner de risque de pénalités économiques ou de licenciement pour les travailleurs les plus précaires. Cela demanderait que les institutions soient dotées des moyens nécessaires pour protéger le travail et la vie des saisonnier·es.

La France pourrait fixer une limite légale de température pour le travail physique en extérieur

La prévention et l’information dirigée aux saisonnier·es n’arrive pas toujours jusqu’aux personnes concernées. Les messages d’alerte et de prévention aux exploitants sont également insuffisants. Les informations ci-dessous devraient pouvoir être connues de toutes et tous. Les risques physiologiques liés à la chaleur qui sont connus ne peuvent plus être ignorés.

Il existe d’abord un risque de décès plusieurs jours après l’exposition. En cas de fortes chaleurs ou de canicule et soumis à un effort physique intense, les effets sur le corps à court et long terme peuvent être irrémédiables (l’hyperthermie peut créer des lésions cellulaires) et entraîner des symptômes qui peuvent se manifester jusqu’à 10 jours suivant l’exposition. C’est ce qui est arrivé à l’une des victimes qui, après un malaise au travail, est décédée d’un arrêt cardiaque à son domicile quelques jours plus tard.

L’humidité ambiante est un facteur aggravant. Bien que la température de 34⁰C à l’ombre ne semble pas très élevée, la chaleur sous un climat humide est plus dangereuse que sous un climat sec ; elle oblige le corps à faire un effort supplémentaire pour respirer, et l’humidité ambiante ne permet pas à la sueur de s’évaporer, un processus essentiel pour réguler la température corporelle.

Rien dans le Code du travail

Il faut rester aussi vigilant sur la température qui peut être réellement ressentie, car les températures annoncées par les chaînes météo sont calculées à l’ombre. 34⁰C à l’ombre signifie plus de 40⁰C au soleil, surtout si le sol n’est pas recouvert d’herbe ou de végétation sèche (avec de la terre nue ou, pire encore, du goudron). L’adaptation est différente pour chacun : le corps d’une personne vivant dans une région fraîche est, en général, moins habitué et résistant à la chaleur que celui d’une personne qui habite dans une région plus chaude.

Affiche d'information sur les risques du travail physique en extérieur par températures et humidité élevées.
Illustration du collectif El Eco Saisonnier, septembre 2023.

Trois jours à risques doivent être comptés avant l’acclimatation. Or, il faut trois jours de fortes chaleurs consécutives pour lancer une alerte orange canicule, donc des mesures de prévention des risques. Ce sont justement ces jours durant lesquels le corps sera le plus vulnérable, le temps qu’il s’adapte à la chaleur.

Bien que l’Institut national de recherche et de sécurité indique qu’à partir de 28⁰C, il existe des risques liés à la chaleur dans les travaux physiques à l’extérieur, et que 33⁰C dans les serres est considéré comme un risque suffisant, il n’existe toujours pas de procédure similaire visant à protéger la santé des travailleurs agricoles. En effet, le Code du travail ne précise pas la température à partir de laquelle un arrêt de travail peut être exigé dans les travaux agricoles extérieurs.

Pour limiter ces problèmes, la France pourrait, à l’instar de l’Espagne (pays accusant de hautes températures), fixer une limite légale de température pour le travail physique en extérieur. Cette limite a entraîné dans certaines régions un décalage des horaires de travail avant le lever du jour, par exemple dans des provinces comme Valladolid et certains domaines français.

En finir avec les logements indignes

Quelques tentes s'alignent sur un campement de fortune pour abriter des vendangeurs.
Campement de Moussy destiné aux vendangeurs recrutés par un prestataire de service (septembre 2023). ©UD CGT Marne

Le travail sous fortes chaleurs n’est pas le seul responsable de la vulnérabilité des saisonnier·es. La préservation de leur santé passe aussi par leurs conditions de logement. Pour permettre au corps de récupérer, il est absolument nécessaire de pouvoir se reposer au sein de logements tempérés.

Avec les températures actuelles qu’accuse le monde agricole français, les possibilités d’hébergement destinées aux saisonnier·es ne peuvent plus se limiter à des campings nus, parfois dépourvus d’ombre et de services de base tel que l’accès à l’eau. Or, aujourd’hui encore, et dans des régions viticoles prestigieuses, prolifèrent des offres de logement indignes que l’on fait payer à des saisonnier·es expulsés de campements de fortune (terrains sans électricité ou sans ombre pour plus de 240 euros par mois).

Les communautés de commune devraient pouvoir être soutenues par l’État pour offrir des conditions dignes à cette main-d’œuvre saisonnière nécessaire à la France. Mais si divers employeurs, même modestes, y parviennent, pourquoi certaines grandes entreprises n’accueillent pas encore dignement les ouvriers ?

Combien faudra-t-il encore de morts ?

Combien faudra-t-il encore de morts ? Au moins six morts suite aux fortes chaleurs en 2023, et six décès provoqués par le froid ces dernières années. El Eco saisonnier a également eu connaissance de plusieurs hospitalisations graves consécutives à des conditions de travail et d’accueil délétères.

De manière générale, les conditions de travail, d’accueil et de rémunération des saisonnier·es doivent et auraient déjà dues être améliorées. Face au changement climatique, il faut impérativement accélérer cette réparation, cela implique aussi des évolutions dans les méthodes de travail et dans le modèle agricole actuel.

En attendant que les institutions mettent en place des mesures efficaces pour protéger les ouvriers agricoles en cas de fortes chaleurs, El Eco Saisonnier choisit d’agir avec sa communauté élargie de recherche. C’est ainsi qu’il est entré en relation avec l’Inspection du travail. Ce document retrace les principales procédures et actions envisageables pour faire face à un employeur qui ne prend pas les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé de ses salariés notamment au regard de températures extérieures.

Ces procédures restent fastidieuses à mettre en place en cas d’urgence et nécessitent une fine connaissance du Code du travail, sans vous prémunir complètement d’un licenciement. Elles ne remplacent pas l’efficacité des campagnes de prévention et d’information de la population et des employeurs. Mais, dans tous les cas, et selon le Code du travail, en cas de trop fortes chaleurs, tous les travailleurs doivent pouvoir se mettre à l’ombre, s’hydrater et cesser le travail si nécessaire. Nos vies valent plus que quelques grappes de raisin !

Le Collectif El Eco Saisonnier [2], accompagné de la chercheure-intervenante Fabienne Goutille [3]

El Eco Saisonnier

Photo : @Julie Chansel

CONSTAT A69 : 366 hectares — dont 316 de surfaces agricoles / Expropriation, surveillance… L’A69, un «enfer» pour les agriculteurs

(source : Anouck Passelak/Reporterre – 24 octobre 2023)

Une dizaine de tracteurs étaient présents dans le Tarn à la mobilisation contre l’A69 des 21 et 22 octobre 2023. – Twitter/Les Soulèvements de la Terre

Plusieurs agriculteurs ont dénoncé le projet d’autoroute A69, lors de la mobilisation du 21 octobre dans le Tarn. Malgré les pressions et les champs coupés en deux, beaucoup restent silencieux.

Saïx (Tarn), reportage

Le ronronnement des moteurs d’une dizaine de tracteurs a donné le top départ de la mobilisation contre l’autoroute Toulouse-Castres, les 21 et 22 octobre. Les engins agricoles et les paysans ont ouvert le bal d’une mobilisation joyeuse et familiale. « Debout les Tarnais de la terre » clamait une pancarte, sur l’un des véhicules.

Les drapeaux jaunes de la Confédération paysanne étaient légion dans la foule. Le syndicat agricole est vent debout contre le projet autoroutier et l’a rappelé une nouvelle fois ce week-end. Les 366 hectares — dont 316 de surfaces agricoles — que consommera l’autoroute sont « des terres perdues à tout jamais, c’est irréversible », insiste Laurence Marandola, porte-parole nationale de la Confédération paysanne, embarquée sur la remorque d’un tracteur.

  • Une centaine d’exploitations amputées

Entre 80 et 100 agriculteurs sont directement affectés par le tracé de l’autoroute. « C’est un drame pour ces fermes-là, poursuit Laurence Marandola, également éleveuse de lamas en Ariège. Les expropriations, ce n’est que de l’argent, ça ne remplace pas notre métier qui est de semer, cultiver, produire de l’alimentation. »

C’est justement le cas de Jean-Guillaume Cadastraing, syndiqué à la Confédération paysanne et qui a rallié les rangs des manifestants. Il loue une dizaine d’hectares seulement pour son élevage de brebis en bio à Soual. « Le concessionnaire me prend 50 % de ma SAU [surface agricole utile], souffle-t-il, le regard sévère. J’ai valorisé cette terre, j’ai créé des prairies multiespèces pour produire du foin qualitatif. Tout ça n’a pas de prix ! Ça n’a pas de sens de me l’enlever, c’est mon outil de travail ! »

Entre 80 et 100 agriculteurs sont directement affectés par le tracé de l’autoroute. Ici lors de la mobilisation du 21 octobre 2023. © Anouk Passelac / Reporterre

Les agriculteurs affectés par l’autoroute étaient peu nombreux dans le cortège et ont peu pris la parole publiquement. « On ne les a pas entendus, parce qu’ils sont en grande difficulté et que c’est extrêmement douloureux, explique Laurence Marandola. D’autres ont été achetés par la Chambre d’agriculture. » L’institution, aux mains de la FDSEA (les sections départementales du syndicat FNSEA), communique peu et n’a jamais donné les chiffres exacts des paysans touchés par le tracé de l’autoroute.

Pour Jean-Guillaume Cadastraing, il est aussi difficile de s’exprimer publiquement si l’on ne veut pas subir de pression. Lui qui a refusé les fouilles préventives d’Atosca — le concessionnaire de l’autoroute — sur son terrain en sait quelque chose : « J’ai des visites régulières des gendarmes, je suis surveillé, on m’embête pour un permis de construire. » L’éleveur indique avoir retrouvé un traceur GPS sur un de ses engins agricoles…

  • 1 000 hectares impactés

En plus de la centaine d’exploitations qui se trouvent sur le tracé, le syndicat estime à un millier les exploitations coupées en deux, dont les parcelles se retrouveront de part et d’autre de l’axe. « Ils vont devoir faire des kilomètres pour traverser l’autoroute et aller aux champs de l’autre côté, explique Laurence Marandola. Si la parcelle est plus difficile d’accès, on va simplifier l’itinéraire technique de la parcelle, faire moins de rotations des cultures et utiliser plus de pesticides… voire abandonner le champ. »

Jean-Luc Hervé, agriculteur et ancien porte-parole de la Confédération paysanne du Tarn, lors de la mobilisation du 21 octobre 2023. © Anouk Passelac / Reporterre

Hormis les 366 hectares d’emprise, 80 hectares vont être impactés temporairement par les travaux avant d’être restitués. « Sans compter les zones d’activités qui sont en train de se créer avec l’arrivée de l’A69. Au total, on craint de perdre un millier d’hectares », calcule Jean-Luc Hervé, ancien porte-parole de la Confédération paysanne du Tarn.

  • Disparition de nappes phréatiques

Les conséquences vont bien au-delà de la « simple » perte de terres. En janvier dernier, une centaine d’agriculteurs tarnais signait une lettre ouverte alertant sur les effets de l’autoroute et évoquant la « destruction irréversible de nappes phréatiques, de cours d’eau et de bassins indispensables à l’irrigation des exploitations agricoles comme au maintien des refuges de biodiversité ».

À ce propos, l’éleveur laitier Bruno Cabrol est très inquiet. Sur la quarantaine d’hectares qu’il exploite, le tracé de l’A69 va lui prendre 2,5 hectares « en plein milieu ». L’infrastructure va décaisser jusqu’à 8 mètres de terres alors qu’une nappe phréatique se situe, elle, à 3 mètres de profondeur. « Cette eau, je ne l’aurai plus pour mes cultures, je vais avoir besoin de plus d’irrigation », déplore l’éleveur.

  • Exploitations redécoupées

La question de l’eau n’est pas la seule raison de la colère de cet agriculteur qui a accepté d’accueillir sur ses terres la mobilisation du 21 et 22 octobre. Bruno Cabrol craint aussi les opérations de remembrement : à l’issue du chantier de l’A69 et pour garantir à chaque agriculteur de récupérer 95 % de sa SAU, les exploitations seront redécoupées.

L’éleveur risque de céder des terres valorisées et d’en récupérer chez un voisin qui aura travaillé les sols différemment. « Moi j’ai mis 10-15 ans à obtenir un sol de qualité avec des méthodes culturales résilientes », souffle-t-il en montrant une poignée de terre.

De son côté, Jean-Guillaume Cadastraing habite dans l’une de ces zones. Il devra donc retrouver des terres qui ne seront pas contiguës aux siennes : « Pour un éleveur, c’est l’enfer, je ne vais pas transporter mes bêtes. » « L’autoroute va bouleverser le fonctionnement des exploitations », certifie Jean-Luc Hervé. Et ce, de façon durable.